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Paris le 10 Mai 1890

Mon cher Vincent,
Merçi bien de tes deux lettres;1 je suis bien content que le mieux persiste & si tu pouvais faire le voyage, sans danger, cela me ferait bien plaisir. Est ce qu’il te semble aussi qu’il y a si longtemps que nous ne nous sommes pas vus. Puisque tu trouves si gênant de voyager avec quelcun de la maison, mon  1v:2 dieu il faut le risquer, quoique je ne suis pas comme toi & que je ne le ferais, pour éviter en cas où la crise te reprenait toutes les misères qui sortiraient en cas où à une gare inconnue tu aies à faire à des gens que tu ne connais pas & qui te traiteraient on ne sait pas comment. Maintenant si tu pars envois moi sans faute une dépêche pour que je sâche à quelle heurre tu arriveras à la gare de Lyon pour que j’aille t’y prendre. Bien entendu que tu viens chez nous si tu veux bien te contenter de la petite chambre où nous avons logé Wil & plusieurs autres. J’ai écrit hier au Dr Gachet  1v:3 pour lui demander quand il vient à Paris, car il donne consultation alors. & je lui ai demandé en même temps de s’informer pour un logement pour toi.2
Si, le changement de pays pourrait te faire du bien, mais vers l’hiver il vaut peut être mieux que tu sois dans un climat plus chaud. Mais nous aurons le temps de causer de tout cela. J’ai encore écrit au Dr Peyron pour lui dire que s’il n’y a pas un absolut danger, il fasse selon ton désir & te laisse aller. Comme il a été bon pour toi, tâches de ne pas le froisser. J’avais commandé à Tangui & à Tasset les couleurs que tu demandais, me disant que cela ne serait jamais perdu. Si les couleurs n’étaient  1r:4 pas encore arrivées laisse des ordres pour la réexpédition. Est ce qu’enfin tu pourras trouver un endroit où être un peu au calme sans qu’il y ait autour de toi des gens & des choses qui te tracassent. Je l’espère de tout mon coeur et il est possible qu’en tous les cas ceçi soit une amélioration mais les gens son partout à peu près les mêmes & quand les choses d’art vous préoccupent on trouve bien peu de gens qui vous comprennent. C’est du latin pour eux & il n’y voient qu’un passe temps qu’il ne faut pas prendre au sérieux.
Je n’ai pas encore été au Salon,3 qui doit être bien médiocre dit on, mais il y a une exposition de dessins & crépons japonais que tu verras quand tu viendra, qui est superbe.4 Je voudrais que tu étais déjà içi, n’oublie pas de me télégraphier. Bien bonjour de Jo & du petit, ils vont bien tout les deux.
bonne poignée de mains & au revoir.

Theo

Je t’envois çi inclus fr. 150.– pour le voyage, si par hasard il n’y avait pas assez télégraphiez moi.

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