J’ai vu avec beaucoup d’attention vos travaux depuis que nous nous sommes quittés; chez votre frère d’abord1 et à l’exposition des Indépendants.– C’est surtout à cette dernière place qu’on peut bien juger ce que vous faites, soit à cause des choses à côté les unes des autres, soit à cause du voisinage.– Je vous fais mon sincère compliment, et pour beaucoup d’artistes vous êtes dans l’exposition le plus remarquable. Avec des choses de nature vous êtes là le seul qui pense.
J’en ai causé avec votre frère et il y en a un que je voudrais vous changer pour une chose1r:2à votre choix.
Celui dont je parle c’est un paysage de montagnes. Deux voyageurs tout petits semblent monter là à la recherche de l’inconnu. Il y a là une émotion à la Delacroix avec une couleur très sugestive.– Par ci par là des notes rouges comme des lumières, le tout dans une note violette. C’est beau et grandiose2 –
J’en ai causé longuement avec Aurier, Bernard et beaucoup d’autres. Tous vous font leurs compliments.– Guillaumin seul hausse les épaules quand il entend parler de celà.– Je le comprends du reste
1v:3 étant donné que lui ne voit que la matière avec un oeil sans cerveau.– Pour ma peinture de ces dernières années il est de même et n’y comprend rien.
J’hésitais beaucoup à vous écrire sachant que vous veniez d’avoir une crise assez longue, aussi je vous prie de ne me répondre que lorsque vous vous sentirez tout à fait en force. Espérons qu’avec les chaleurs qui vont revenir vous allez enfin vous guérir, l’hiver vous est toujours dangereux.–