2J’ai vu avec beaucoup d’attention 3vos travaux depuis que nous nous 4sommes quittés; chez votre frère 5d’abord1 et à l’exposition des 6Indépendants_– C’est surtout 7à cette dernière place qu’on peut 8bien juger ce que vous faites, soit 9à cause des choses à côté les 10unes des autres, soit à cause du 11voisinage_– Je vous fais mon 12sincère compliment, et pour 13beaucoup d’artistes vous êtes 14dans l’exposition le plus remarquable. 15Avec des choses de nature vous 16êtes là le seul qui pense.
17J’en ai causé avec votre frère 18et il y en a un que je voudrais 19vous changer pour une chose1r:2 20à votre choix.
21Celui dont je parle c’est un 22paysage de montagnes. Deux 23voyageurs tout petits semblent 24monter là à la recherche de 25l’inconnu. Il y a là une 26émotion à la Delacroix avec une 27couleur très sugestive_– Par ci 28par là des notes rouges comme 29des lumières, le tout dans une 30note violette. C’est beau et 31grandiose2 –
32J’en ai causé 33longuement avec 34Aurier/ Bernard 35et beaucoup d’autres. 36Tous vous font leurs compliments_– 37Guillaumin seul hausse les 38épaules quand il entend parler 39de celà_– Je le comprends du reste
1v:3 40étant donné que lui ne voit 41que la matière avec un 42oeil sans cerveau_– Pour 43ma peinture de ces dernières 44années il est de même et 45n’y comprend rien.
46J’hésitais beaucoup à 47vous écrire sachant que vous 48veniez d’avoir une crise 49assez longue, aussi je vous 50prie de ne me répondre 51que lorsque vous vous 52sentirez tout à fait en 53force. Espérons qu’avec 54les chaleurs qui vont revenir 55vous allez enfin vous guérir, 56l’hiver vous est toujours 57dangereux_–