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856 To Willemien van Gogh. Saint-Rémy-de-Provence, Wednesday, 19 February 1890.

metadata
No. 856 (Brieven 1990 857, Complete Letters W20)
From: Vincent van Gogh
To: Willemien van Gogh
Date: Saint-Rémy-de-Provence, Wednesday, 19 February 1890

Source status
Original manuscript

Location
Amsterdam, Van Gogh Museum, inv. no. b720 V/1962

Date
For the date assigned to this letter, see letter 855, Date.

original text
 1r:1
Ma chère soeur,
Merci beaucoup de tes deux dernières lettres, celle datée de Paris & celle d’aujourd’hui.–
Ce que tu m’écris encore de l’accouchement de Jo me touche, oui tu as été bien brave & bien bonne de rester auprès. Je serais, dans des circonstances où l’effroi nous prend, probablement davantage que toi comme une poule mouillée.
Mais enfin le résultat c’est que l’enfant y est – et ainsi que je l’écris à sa grandmère je me suis mis à peindre de ces jours ci pour lui – une grande toile bleu de ciel sur lequel se détachent des branches fleuries.–1 Possible que je le voie bientôt – je l’espère du moins – vers la fin de mars.– Je vais essayer demain ou après demain d’aller encore une fois à Arles pour voir si je supporte le voyage et la vie ordinaire sans que les attaques reviennent.
Il faut peutêtre se fortifier la resolution de ne pas vouloir avoir la tête faible dans mon cas.–
Naturellement par un travail de tête continuel la pensee d’un artiste prend parfois quelque chôse d’exagéré et d’excentrique. J’ai trouvé l’article de M. Aurier2 – abstraction faite si je merite ce qu’il dit de moi – en soi très artistique, très curieux – mais c’est plutot comme cela qu’il faudrait être que la triste realite de ce que je me sens.
Je lui ai écrit que dans tous les cas il me semblait que Monticelli et Gauguin etaient plûtot ainsi, qu’il me semblait donc que la part qui m’en reviendrait ne serait que secondaire, tres secondaire.3 Ces idées dont il parle ne sont pas à moi car en général les artistes impressionistes sont tous ainsi, sous une même influence et tous nous sommes un peu des névrosés. Cela nous rend très sensible à la couleur et à son langage particulier, ses effets de complémentaires, de contrastes, d’harmonie.  1v:2 Mais quand j’ai lu l’article j’en devenais presque triste juste en pensant: faudrait être comme cela et je me sens si inférieur. Et l’orgueil grise comme la boisson, quand on est loué et qu’on a bu on devient triste ou enfin je ne sais pas dire comment je le sens mais il me semble que le meilleur travail que l’on ferait serait celui qu’on executerait en famille sans se louer. Et alors dans les artistes on n’est pas toujours dans des dispositions d’amitié suffisantes. Ou bien on exagère les qualités de quelqu’un ou bien on le neglige par trop. Je veux cependant volontiers croire qu’au fond la Justice se porte mieux que cela puisse paraître. Il faut bien pouvoir rire quelquefois et s’egayer un peu ou même beaucoup. Je trouve que tu as eu de la chance de voir Degas chez lui.
J’ai en train un portrait d’arlésienne où je cherche une expression autre que celles des parisiennes.4
Ah Millet! Millet! celui là comme il a peint l’humanité et le “quelque chôse là-haut”5 familier et pourtant solennel.
Se dire de nos jours que celui là s’est mis à peindre en pleurant,6 que Giotto, qu’Angelico peignaient à genoux,7 Delacroix si navré, si emu.... presqu’en souriant.–8 Qui sommes nous impressionistes pour faire déjà comme eux. Salis dans la lutte pour la vie... “qui rendra à l’âme ce qu’en ont enlevée le souffle des revolutions” – voila le cri d’un poète de l’autre génération qui sembla pressentir nos faiblesses, nos maladies, nos egarements actuels.9 Et je le dis souvent, sommes nous aussi neufs que le vieux Belge Henri Conscience. Ah c’est pourquoi j’etais content du succès de Bruxelles10 à cause de cette Campine d’Anvers11 que je cherche parfois encore à rappeler dans les sillons calmes des champs  1v:3 tout en m’en sentant devenir un enfant bien dégénéré. Songeant ainsi, mais bien lointain, me vient le désir de me refaire et de chercher à me faire excuser de ce que mes tableaux sont pourtant presqu’un cri d’angoisse tout en symbolisant dans le rustique tournesol la gratitude. Tu vois que je raisonne pas encore bien – il vaut mieux savoir calculer ce que vaut une livre de pain et un quart de café comme le savent les paysans.– Et nous y revoilà. Millet donnait l’exemple en vivant dans une chaumière, en restant bien avec les gens sans nos écarts d’orgueil, d’excentricité.12 Donc plutot un peu de sagesse que beaucoup d’entrain.– Alors comme alors.–
J’espère t’écrire de nouveau sous peu – porte toi bien et la mère aussi.
A Paris j’espère faire quelques portraits, j’ai toujours eu la croyance que par les portraits on apprend à réfléchir. Ce n’est pas qui plaît le plus aux amateurs mais un portrait est quelquechose de presqu’utile et parfois agreable, comme les meubles qu’on connait cela rappelle des souvenirs longtemps.
En pensée je t’embrasse bien. Si les autres soeurs desireraient avoir des toiles aussi13 tu peux en demander d’autres à Theo et tu les choisirais à ton goût. Encore une fois bien des chôses et bonne poignée de main.

b. à t.
Vincent.

Je ne déteste pas du tout que quelques toiles encore aillent en Hollande, comme tu le sais, à l’occasion.

translation
 1r:1
My dear sister,
Thanks very much for your last two letters, the one dated from Paris and today’s.
What you write further about Jo’s confinement touches me, yes you were very brave and very kind to stay by her side. In circumstances where fright seizes us, I’d probably be more of a milksop than you.
But anyway, the result is that the child’s here – and as I wrote to his grandmother, I’ve started painting for him these last few days – a large sky-blue canvas against which branches covered in blossoms stand out.1 Possible that I may see him soon – I hope so at least – towards the end of March. I’m going to try to go to Arles once more tomorrow or the day after tomorrow to see if I can bear the journey and ordinary life without the attacks recurring.
Perhaps in my case I must strengthen my resolve not to want to have a feeble mind.
Naturally, through continual brain-work, the thoughts of an artist sometimes take on something of the exaggerated and eccentric. I found Mr Aurier’s article2 – leaving aside whether I deserve what he says of me – in itself very artistic, very curious – but it’s rather like this that I ought to be than the sad reality of what I feel myself to be.
I wrote to him that in any event it seemed to me that Monticelli and Gauguin were rather like that, that it therefore seemed to me that the share which was owing to me would be only secondary, very secondary.3 These ideas of which he speaks aren’t mine, for in general the Impressionist artists are all like this, under the same influence, and we’re all of us somewhat neurotic. This makes us very sensitive to colour and its particular language, its effects of complementaries, contrasts, harmony.  1v:2 But when I read the article it made me almost sad as I thought: should be like this and I feel so inferior. And pride intoxicates like drink, when one is praised and has drunk one becomes sad, or anyway I don’t know how to say how I feel it, but it seems to me that the best work one could do would be that carried out in the family home without self-praise. And then among artists, people’s friendly dispositions aren’t always enough. Either someone’s qualities are exaggerated or he’s over-neglected. However, I very much want to believe that basically Justice is in better health than it appears to be. One really must be able to laugh sometimes, and make merry a little or even a lot. I think you were lucky to see Degas at his home.
I have a portrait of an Arlésienne on the go in which I’m seeking an expression different from that of Parisian women.4
Ah Millet! Millet! How that fellow painted humanity and the ‘something on high’,5 familiar and yet solemn.
These days, to think that that fellow wept as he started painting,6 that Giotto, that Angelico painted on their knees,7 Delacroix so utterly sad and moved... almost smiling.8 Who are we Impressionists to act like them already? Soiled in the struggle for life... ‘who will give back to the soul that which the breath of revolutions has taken away’ – that’s the cry of a poet of the other generation who seemed to have a premonition of our present weaknesses, our sicknesses, our confusions.9 And I say it often, are we as brand new as the old Belgian, Henri Conscience? Ah, that’s why I was pleased with the success in Brussels,10 because of that Kempen of Antwerp11 that I still try to recall from time to time in the calm furrows of the fields  1v:3 while feeling myself become a most degenerate child. Thinking like this, but very far off, the desire comes over me to remake myself and try to have myself forgiven for the fact that my paintings are, however, almost a cry of anguish while symbolizing gratitude in the rustic sunflower. You can see that I’m not yet reasoning well – it’s better to know how to calculate what a pound of bread and a quarter of coffee are worth, the way the peasants know. And here we are again. Millet set the example by living in a cottage, keeping in well with people without our lapses of pride and eccentricity.12 So rather a little wisdom than a lot of gusto. So, just like then.
I hope to write to you again soon – look after yourself, and Mother too.
In Paris I hope to do a few portraits, I’ve always had the belief that through portraits one learns to reflect. It isn’t what pleases art lovers the most, but a portrait is something almost useful and sometimes pleasant, like pieces of furniture one knows, they recall memories for a long time.
I kiss you affectionately in thought. If our other sisters would also like to have canvases13 you can ask Theo for others, and you could choose them according to your taste. Once again warm regards, and good handshake.

Yours truly,
Vincent.

I don’t hate it at all that a few more canvases should go to Holland, as you know, if the opportunity arises.
notes
1. Almond blossom (F 671 / JH 1891 ).
2. For Aurier, ‘Les isolés: Vincent van Gogh’, see letter 845, n. 2.
3. Van Gogh said this to Aurier in letter 853.
4. In Saint-Rémy Van Gogh painted a total of five portraits of Madame Ginoux, based on the drawing Gauguin had made in Arles: Madame Ginoux (study for ‘Night café, Arles’) , 1888 (Fine Arts Museums of San Francisco). Four versions are now known of Marie Ginoux (‘The Arlésienne’): F 540 / JH 1892 , F 541 / JH 1893 , F 542 / JH 1894 and F 543 / JH 1895 . The fifth portrait, intended for Madame Ginoux, is lost (see letter 857, n. 1). We do not know which of the versions is referred to here.
5. For ‘something on high’, see letter 288, n. 15.
6. The remark ‘that fellow wept as he started painting’ refers to something Millet recounted about his arrival as a young artist in Paris in January 1837: ‘I was only able to stop weeping by dashing in my face fistfuls of water that I took from a fountain in the street’. (Je ne parvins à arrêter mes pleurs qu’en me jetant au visage des poignées d’eau que je pris à une fontaine de la rue). See Sensier 1881, p. 44.
7. This remark probably refers to something Van Gogh had read in 1885 in Jean Gigoux’s Causeries sur les artistes de mon temps about Delacroix, who drew figures after Raphael every day: ‘It was his way of saying his prayers, in the manner of the old masters, who would kneel before starting a work’ (C’était sa manière de faire sa prière, à l’imitation des vieux maîtres, qui, eux, se mettaient à genoux avant de commencer une oeuvre). Gigoux 1885, p. 70.
The legend of Fra Angelico weeping before painting a crucifix originates in Giorgio Vasari’s Vite (1550) and is elaborated and embroidered upon in every subsequent publication. Cf. Sir Martin Conway, M.P., The Van Eycks and their followers. London 1921, p. 103.
8. The words ‘almost smiling’ were taken from Silvestre’s book Eugène Delacroix. Documents nouveaux. See letter 526, n. 2.
9. This quotation, possibly from Victor Hugo, has not been traced.
10. ‘The success in Brussels’ refers to the praise given Van Gogh’s work at the exhibition of Les Vingt in that city, and the sale of one of the paintings exhibited, which he wrote about in the enclosed letter to his mother (letter 855).
11. ‘La Campine’ (de Kempen) is a region in northern Belgium.
12. Van Gogh derived his knowledge of Millet’s way of life primarily from Sensier, who told of Millet’s humble origins and his life as a peasant among the peasants. See Sensier 1881 and cf. letter 493, n. 6.
13. Vincent had already sent Theo seven studies intended for their mother and Willemien. See letter 824.