2Je ne sais si vous vous en rappelez, 3je le trouve assez étrange, qu’il y a un 4an à peu près Mme Ginoux a été malade 5en même temps que moi;1 et à présent 6cela a encore été comme cela puisque – 7juste vers Noël – pendant quelques jours 8j’ai été cette année encore assez mal pris/ 9cependant cela a été très vite fini; je 10n’en ai pas eu pour une semaine. 11Puisque donc, mes chers amis, 12nous souffrons quelque fois ensemble 13cela me fait penser à ce que dit 14Madame Ginoux – “quand on est 15amis on l’est pour longtemps”.–
16Je crois moi que les contrariétés 17qu’on éprouve dans le train train 18ordinaire de la vie nous font au 19moins autant de bien que de mal_ 20Ce dont on tombe malade/ accablé 21de découragement aujourd’hui/ cela 22même nous rend l’énergie, la maladie 23accomplie, de nous lever et de vouloir 24guérir le lendemain_–
25Je vous l’assure que l’autre 26année cela m’a presque contrarié 27de guérir – d’aller mieux pour un 28temps plus ou moins long – continuant 29à redouter toujours les rechûtes – 30presque contrarié – vous dis-je – 31tellement j’avais peu envie de 32recommencer. Je me suis bien 33souvent dit que je préférais qu’il 34n’y eût plus rien et que cela fût 35fini. Mais oui – nous n’en 36sommes pas le maitre – de 37notre existence et il s’agit 38parait-il d’apprendre à vouloir 39vivre encore, même en souffrant.– 40Eh, je me sens si lâche là-- 41dedans/ la santé revenant même. 42Je redoute encore. Alors qui 43suis-je pour encourager les 44autres/ me direz-vous comme 45de juste/ cela ne me sied guère.–
46Enfin c’est seulement pour vous 47dire, mes chers amis, que
1v:3 48j’espère si ardemment/ et d’ailleurs que 49j’ose croire/ que la maladie de mm Ginoux 50soit très passagère et qu’elle en 51'remontera tout à fait ragaillardie_ 52Mais elle n’ignore pas combien 53nous tenons tous à elle et 54désirons la voir bien portante_
55Pour moi, la maladie m’a fait 56du bien – ce serait ingrat de ne 57pas en convenir; cela m’a 58calmé et très différenta de ce 59que je m’étais figuré cette année 60j’ai eu plus de chance que 61je n’avais osé espérer.–
62Mais si je n’avais pas été si 63bien soigné, si les gens n’avaient 64pas été pour moi aussi bons qu’ils 65l’ont été, je crois que j’aurais 66claqué ou que j’aurais perdu 67complètement la raison.
68Les affaires sont les affaires puis aussi le 69devoir est le devoir/ ce n’est donc que comme 70de juste que je retourne bientôt un peu 71voir mon frère_ Mais il me sera 72penible de quitter le midi/ je
1r:4 73vous l’assure à vous tous qui êtes 74devenus des amis pour moi – 75des amis pour longtemps.
76J’ai encore oublié de vous remercier des 77olives que vous m’avez envoyé l’autre fois 78et qui étaient excellentes/ prochainement 79je vous rapporte les boîtes.–
80Je vous écris donc, chers amis, 81pour essayer de distraire pour 82un moment notre chère malade 83pour qu’elle reprenne son 84sourire habituel/ pour nous 85faire plaisir à tous qui la connaissons_ 86Ainsi que je vous l’ai dit, dans 87une quinzaine j’espère venir 88vous revoir bien guérie_2
89Les maladies sont là pour nous en 90faire ressouvenir que nous ne sommes 91pas en bois_ Voila ce qui me parait le 92bon côté de tout cela. Puis après 93on s’en revab à son travail de tous 94les jours redoutant moins les contrariétés/ 95avec une nouvelle provision de sérénité_ 96Et même en se séparant ce sera en 97se disant pourtant encore: “et lorsqu’on 98est amis on l’est pour longtemps” – car 98avoila le moyen pour pouvoir se quitter.–
99Allons, à bientôt, et mes meilleurs souhaits 100pour la prompte guérison de Mme Ginoux. 101croyez moi