1*merci de ta lettre.1 bien que je viens de 2t’écrire hier je te réponds aussitôt.
3Il y a que je n’ai jamais travaillé avec plus de calme 4que dans mes dernières toiles – tu vas en recevoir 5quelques unes en même temps j’espère que 6ma présente. Momentanément un grand 7découragement m’a surpris. Mais puisqu’en 8une semaine cette attaque a été terminée 9à quoi bon se dire qu’elle peut en effet 10encore revenir_– D’abord on ne sait pas 11ni ne peut prevoir comment & sous quelle 12forme.
13Continuons donc le travail tant que 14cela se peut comme si rien n’était_ 15J’aurai bientôt occasion de sortir dehors 16quand il fera un temps pas trop froid 17et alors j’y tiendrais un peu de chercher 18à terminer le travail entrepris ici_
19Pour donner une idée de la Provence il est 20indispensable de faire encore quelques toiles 21des cyprès et des montagnes.
22Le ravin2 et une autre toile des montagnes avec 23chemin sur l’avant plan3 en sont des types. 24Et surtout le ravin que j’ai encore ici parcequ’il 25n’est pas sec.4 Ainsi que la vue du parc aussi 26avec les pins.5 Cela m’a pris tout le temps 27d’observer le caractère des pins/ cyprès &c_ 28dans l’air pur d’ici/ les lignes qui ne changent pas 29et qu’on retrouve à chaque pas.
30Il est parfaitement juste que l’année passée 31la crise est revenue à diverses epoques – 32mais alors aussi c’etait precisément en travaillant 33que l’état normal revenait peu à peu. Ainsi 34en sera-t-il probablement aussi à cette occasion_ 35Fais donc comme si rien n’était car 36nous n’y pouvons absolument rien.
1v:2 37Et ce qui serait infiniment pire c’est de 38se laisser aller à l’etat de mes compagnons 39d’infortune qui ne font rien de toute 40la journée/ semaine/ mois/ année/ ainsi 41que mainte fois je te l’ai dit et l’ai encore 42répété à m. Salles/ l’engageant bien 43à ne jamais recommander cet asile ci. 44Le travail me fait encore garder un peu 45de présence d’esprit et rend possible 46que j’en sorte un jour.
47A présent j’ai les tableaux mûrs dans 48ma tête/ je vois d’avance les endroits 49que je veux encore faire de ces mois ci_ 50pourquoi changerais je de moyen 51d’expression_6
52de retour d’ici/ supposons/ il faudra 53un peu voir si reellement il n’y a rien à faire 54de mes toiles/ j’en aurais un certain 55nombre des miennes/ un certain nombre 56des autres et peut-être chercherais je à faire 57un peu de commerce_ Je ne le sais pas d’avance 58mais je ne vois aucune raison de ne pas 59faire ici encore des toiles qu’il me faudra 60alors que je sortirais d’ici. Encore une fois 61je ne peux absolument rien prévoir/ je 62ne vois pas d’issue mais je vois aussi 63qu’indéfiniment le séjour ici ne pourra 64pas se prolonger. Alors pour ne rien hâter/1v:3 65brusquer/ je désirerais continuer comme 66d’habitude tant que je suis ici_
67J’ai hier envoyé 2 toiles à Marseille/ c. à d_ 68j’en ai fait cadeau à l’ami Roullin/ 69un mas blanc dans les oliviers7 et 70un champ de blé avec fond de 71montagnes lilas et un arbre noir8 comme 72dans la grande toile que je t’ai envoyé_9 73Et à M. Salles j’ai donné une petite 74toile avec des géraniums roses et rouges 75sur un fond tout noir10 comme dans 76le temps j’en ai fait à Paris.11
77Pour l’argent que tu as envoyé il 78en revenait 10 francs à m. Peyron qu’il 79m’avait avancé le mois dernier, j’ai 80donné 20 francs d’étrennes et j’en ai 81pris 10 pour l’affranchissement des 82toiles et autres dépenses donc il reste 83en caisse encore 10 francs.
84A présent je viens de faire un petit portrait 85d’un des garçons d’ici qu’il voulait envoyer 86à sa mère/12 c’est pour dire que j’ai déjà 87repris le travail et s’il y voyait obstacle 88M. Peyron probablement ne m’aurait 89pas laissé faire. Ce qu’il m’a dit 90c’est “espérons que cela ne se renouvelle 91pas” – donc absolument la même 92chôse que toujours. il m’a causé 93avec beaucoup de bonté et pour lui 94ces chôses-là ne l’étonnent guère 95mais puisqu’il n’y a pas de remède
1r:4 96tout prêt c’est le temps et les 97circonstances qui seules peuvent 98influencer peutêtre_
99J’aurais bien envie d’aller encore 100une fois à Arles/ pas immediatement 101mais vers la fin de Fevrier par 102exemple/ d’abord pour revoir des 103amis/ ce qui me ranime toujours 104et puis pour essayer si je suis 105capable de risquer le voyage 106à Paris.
107Suis fort content que la soeur 108soit venue_ Bien le bonjour 109à elle et à Jo/ et pour toi 110et pour moi ne nous faisons 111pas d’inquietudes_ Quoi qu’il 112en soit cela n’a pas duré si 113longtemps que l’autre année 114et donc pouvons encore espérer 115que peu à peu le temps fera 116passer tout cela. Allons/ 117bon courage et bonne 118poignée de main.