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Mon cher Vincent,
Deux mots à la hate pour te remercier de ta dernière lettre et te dire, que je ne considère pas ton aller à St Remy comme une retraite comme tu dis,1 mais simplement comme un repos d’un moment pour revenir bientôt avec de nouvelles forces.
Je me rappèle avoir vu il y a longtemps une chose qui m’a frappé beaucoup. Dans la Rue des petits caraux2 je voyais un attelage très lourd qui devait monter cette rue. Le cocher tapait à coup redoublés sur ses quatre chevaux, mais au beau milieu les chevaux éreintés refusaient d’aller un pas en avant. Il les fit donc retourner et revenu en bas de la rue, presque sans les faire reposer, il retourna  1v:2 de nouveau et parvint sans difficulté en haut de la rue.3 J’aimerais bien que tu me dises un peu comment tu es traité dans la maison & comment est la nouriture etc. Mr Salles disait beaucoup de bien de ce qu’il avait vu. Celui là a été parfait, il m’a écrit une longue lettre pour me rendre conpte de sa visite. Comme je ne sais que par ta dépêche que tu es parti j’ignore s’il t’a accompagné comme il se le proposait.–4 Il y a au Salon un très beau tableau de Raphaelli, deux buveurs d’absinthe.5 Je le trouve le plus fort quand il peint ces déclassés quoique le portrait de deux jeunes filles en blanc soit peut être le meilleur portrait du Salon.6 Zorn a des baigneuses au bord de la mer,7 un peu dans le genre d’en Arcadie de Harrison que tu te rappèles peut être.8 Il y a une naissance du Christ d’Uhde, tryptique,9 où il y a un joli sentiment. Dans tout ce bazar il y a bien peu de chose d’intéressant. Je suis tout de ton avis qu’il ne faut pas croire uniquement à l’impressionisme10 mais encore faut il qu’il y ait ce côté individuel qui manque à presque tout ce qu’il y a au Salon.
à bientôt & porte toi bien. Bonne poigné de main.

Theo

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