merci bien de votre carte postale qui me donne de vos nouvelles.1 Pour ce qui est que mon frère n’aie point encore répondu à votre lettre, je suis porté à croire qu’il n’y aie pas de sa faute. Je suis aussi depuis une quinzaine sans de ses nouvelles.–2 C’est qu’il est en Hollande où il se marie de ces jours ci.– Or, tout en ne niant pas le moins du monde les avantages d’un mariage, une fois qu’il est conclu et que l’on soit tranquillement installé chez soi, les pompes funèbres de réception &c., les félicitations lamentables de deux familles (civilisées encore) à la fois, sans compter les comparitions fortuites dans ces bocaux de pharmacie où siègent des magistrats antédiluviens civils ou religieux – ma foi – n’y a-t-il pas de quoi plaindre le pauvre malheureux obligé de se rendre muni des papiers nécessaires sur les lieux où, avec une férocité non égalée par les antropophages les plus cruels, on vous marie à petit feua de receptions pompes funebres susmentionnées, tout vivant.
En voici croquis hatif – le plus grand est une pauvre campagne verte à petits mas, ligne bleue des Alpines, ciel blanc & bleu. Le devant, des clos aux haies de roseaux où de petits pechers sont en fleur – tout y est petit, les jardins, les champs, les jardins, les arbres, même ces montagnes, comme dans certains paysages japonais, c’est pourquoi ce motif m’attirait.4
L’autre paysage est presque tout vert avec un peu de lilas et de gris – par un jour pluvieux.5
Bien aise de ce que vous dites que vous vous êtes fixé, et serai désireux d’avoir encore de vos nouvelles. Comment le travail marche-t-il, comment est le caractère de ces parages-là.
Ma tête est depuis encore beaucoup revenu à l’état normal, provisoirement je ne demande pas mieux, pourvu que cela dure. Cela dépendra d’un régime très sobre surtout.
Pour les premiers mois au moins je me propose de rester encore ici, j’ai loué un apartement de deux très petites pièces.6 Mais par moments il ne m’est pas tout à fait commode de recommencer à vivre car il me restent des desesperances interieures d’assez gros calibre.
Ma foi ces inquiétudes là... qui peut vivre dans la vie moderne sans en atrapper sa part.
La meilleure consolation sinon le seul remède c’est à ce qu’il me semble encore les amitiés profondes, même si celles là ont le désavantage de nous ancrer dans la vie plus solidement que dans les jours de grande souffrance il puisse nous paraitre désirable.
Merci encore une fois de votre visite qui m’a tant fait plaisir.
en pensée bonne poignee de main.
b. à v.
Vincent
adresse jusqu’à fin avril, place Lamartine 2 Arles.