j’ai encore une toile de 30, jardin d’automne, deux cyprès verts bouteille et forme bouteille, trois petits marronniers au feuillage havane et orangé. Un petit if à feuillage de citron pâle au tronc violet.
deux petits buissons aux feuillage rouge sang & pourpre écarlate.
un peu de sable, un peu de gazon, un peu de ciel bleu.1
Voilà je m’étais pourtant juré de ne pas travailler.2 Mais c’est tous les jours comme cela, en passant je trouve des choses parfois si belles qu’enfin il faut pourtant chercher à les faire.
Eh bien l’argent que tu me donnes et que d’ailleurs je te demande plus que jamais, je te le rendrai en travail et non seulement le present mais aussi le passé.
Mais laisse moi travailler tant que ce ne soit pas absolument impossible.
Car si je ne profite pas des occasions ce serait encore bien pire.
Ah mon cher frère si je pouvais faire une telle chôse ou si Gauguin et moi à deux pouvaient en faire de telles chôses que Seurat se joigne à nous!
Mais à mon avis il faut au bas mot lui compter ses grands tableaux des poseuses et de la Grande Jatte3 mais – voyons – à 5000 chaque mettons... Eh bien si nous nous combinerions, Gauguin et moi devrions chacun aussi etre capables d’un apport de 10 mille nominal.
Cela tombe encore une fois juste d’aplomb avec ce que je te disais, que je voulais absolument absolument faire pour la maison 10 mille francs de peinture.4 Enfin, c’est drôle, quoique je ne calcule pas avec des chiffres mais avec des sentiments je tombe si souvent dans les mêmes résultats en partant de points de vues absolument divergents.
Je n’ose pas y songer, je n’ose encore rien dire pour cette combinaison Seurat. Je dois d’abord chercher à mieux connaitre Gauguin. Avec qui dans aucun cas on peut mal.
Si ca ne chauffait pas ce serait peut etre plus commode mais enfin il faudra bien prendre les choses comme elles viendront.
à propos, as tu jamais lu les frères Zemganno des de Goncourt.5 Si non lis le. Si je n’avais pas lu cela j’oserais peut être davantage. et même après l’avoir lu la SEULE crainte que j’aie c’est de te demander trop d’argent. Si moi-meme me casserais dans un effort cela ne me ferait absolument rien du tout. Pour ce cas-là j’ai encore de la ressource car je ferais ou bien du commerce ou bien j’écrirais mais tant que je suis dans la peinture je ne vois que l’association de plusieurs et la vie en commun.
La chûte des feuilles commence, les arbres jaunissent à vue, le jaune augmentant tous les jours.
C’est au moins aussi beau que les vergers en fleur et pour le travail que nous fassions j’oserais croire que bien loin d’y perdre nous pourrions y gagner. Mais enfin.
Dans tous les cas je te prie de m’envoyer par retour du courrier et certes pas plus tard encore quelqu’argent (50 si possible et sans cela moins). Et si tu n’aurais pas le temps d’écrire je te prierais de l’envoyer par mandat. que ce soit plus ou que ce soit moins, comme tu pourrais. Je te serre bien la main.