1*merci de votre 2lettre et merci surtout de votre promesse 3de venir déjà le vingt.1 Certes cette raison 4que vous dites2 doit ne pas contribuer 5à faire un voyage d’agrément du trajet 6en chemin de fer et ce n’est que comme 7de juste que vous retardiez votre voyage 8jusqu’à que vous puissiez le faire 9sans emmerdement. Mais à part 10cela je vous l’envie presque/ ce voyage 11qui va vous montrer en passant des lieues 12et des lieues de pays de diverse nature 13avec les splendeurs d’automne.
14J’ai toujours encore présent dans ma mémoire 15l’emotion que m’a causé le trajet cet hiver 16de Paris à Arles.3 Comme j’ai guetté “si cela 17etait déjà du Japon”! Enfantillage quoi_
18Dites donc je vous ecrivais l’autre jour/ 19que j’avais la vue etrangement fatiguée_4 Bon 20je me suis reposé deux jours & demi et 21puis je me suis remis au travail_ Mais 22n’osant pas encore aller en plein air/ 23j’ai fait toujours pour ma decoration 24une toile de 30 de ma chambre à coucher5 25avec les meubles en bois blanc que vous savez_1v:2 26Eh bien cela m’a enormement amusé 27de faire cet interieur sans rien.
29A teintes plates mais grossierement brossées 30en pleine pâte/ les murs lilas pâle/ 31le sol d’un rouge rompu & fané/ les 32chaises & le lit jaune de chrome/ les oreillers 33et le drap citron vert très pâle/ la couverture 34rouge sang/ la table à toilette orangée/ 35la cuvette bleue/ la fenetre verte_ 36J’avais voulu exprimer un repos 37absolu par tous ces tons très divers 38vous voyez/ et où il n’y a de blanc que 39la petite note que donne le miroir à 40cadre noir (pour fourrer encore la quatrième 41paire de complementaires dedans)_
42Enfin vous verrez cela avec les autres et nous 43en causerons_ Car je ne sais souvent
1v:3 44pas ce que je fais/ travaillant presqu’en 45sonnambule.
46Il commence à faire froid surtout les 47jours de mistral.
48J’ai fait mettre le gaz dans l’atelier 49pour que nous ayons une bonne 50lumière en hiver.
51Peutêtre serez vous desenchanté d’Arles 52si vous y venez par un temps de mistral 53mais attendez... C’est à la longue que 54la poésie d’ici pénètre_
55Vous ne trouverez pas encore la maison 56aussi comfortable que peu à peu nous 57chercherons à la rendre_ Il y a tant de 58dépenses et cela ne peut pas se 59faire d’une seule haleine_ Enfin 60je crois qu’une fois ici vous allez comme 61moi etre pris d’une rage de peindre/ 62dans les intervalles du mistral/ les effets 63d’automne. et que vous comprendrez que 64j’aie insisté pour que vous veniez 65maintenant qu’il y a de bien beaux 66jours. Allons/ au revoir.