moi aussi j’ai toute mon attention sur Gauguin maintenant.
Et j’espère comme toi qu’à présent il viendra.
ELLE EST BIEN BONNE CELLE DE BAGUE – ! –
Non pas que cela m’épate mais cela me fait plaisir pour Bague que j’ai toujours estimé – bon larron.1
Enfin si tu le vois – et sans cela va hardiment le voir – et dis lui que je t’ai dit avoir ici une nuit étoilée, les sillons, le jardin du poète – la vigne.2
Quoi; des paysages poétiques.
N’insiste pas trop sur les études qui certes coûtent plus de mal à faire mais sont moins vendables.– Si tu m’avais envoyé 2003 fr. j’aurais été faire la même chôse avec la mer à Stes Maries.–
Nous avons le mistral impitoyable en plein ici actuellement – c’est bien mauvais pour le travail. Mais enfin avant l’hiver proprement dit nous aurons encore du beau temps et dans tous les cas j’espère encore ajouter à la série que j’ai en train.
Sais tu ce qui me reste de ton envoi d’argent d’aujourd’hui aujourd’hui même? Eh bien il me reste 6 francs.
Je t’avais demandé de m’envoyer vendredi4 et ce n’est que quatre jours plus tard (Lundi à midi) que j’ai reçu ta lettre.
C’est surtout la faute aux cadres que j’ai une fois commandés et auquels je tiens.– Je ne peux finir que dans le cadre.– Et d’ailleurs peut être travaillerons nous avec cela à Marseille.– J’ai trois bois, noyer – châtaignier – – sapin, pour les cadres.
Et je te prie de dire à Bague, si tu le vois, bien le bonjour de ma part et puis que je lui recommande ma vigne et ma nuit étoilée. Et la même chôse à Tripp. N’ont ils pas acheté beaucoup de Mauve, n’ont ils pas acheté même les grandes aquarelles dernières de Mauve à bon prix?5 Je ne sais, il y a si longtemps que je ne les connais plus.
Mais dans le temps ni avec Tripp ni avec Bague je me suis querrellé jamais.
Seulement tout en n’insistant pas sur les deux premiers envois, dis à Bague que j’en suis bien aise qu’il ait acheté cette étude6 et que tant que l’automne me sera propice je fais actuellement des etudes que je le prierai de venir voir lorsqu’avec des Gauguin nous les enverrons.
Pour Thomas je crois que tu fais bien d’aller le voir.
Je viens de t’ecrire que tout payé il me reste 6 francs.
Est ce assez pour une semaine – non.– Je te prie donc reellement de m’envoyer et cela je te le prie par retour du courrier, un louis. Cela me fera 26 francs pour la semaine et alors je m’en tirerai. Mais ne tarde pas. Je dois d’ailleurs être prêt au travail dès que le beau temps va se présenter. Nous avons du mistral fort impitoyable mais je dois me tenir prêt, le travail se fait dans les courtes intervalles. Et alors tout doit être en ordre et pret à livrer bataille.
Tasset n’a pas envoyé de la toile. C’est très très pressé, veuillez en commander 10 ou au moins 5 mètres immediatement.7
C’est très pressé car j’achète déjà de la toile ici aujourd’hui meme, pour etre pret pour demain ou après demain selon le temps qu’il fera.
Ici c’est qu’il faut profiter des intervalles que laisse le mistral et etre prêt d’avance.
Mon cher Theo mille fois merci et de l’envoi de couleurs et de ta lettre d’aujourd’hui.
Le travail me tient et je suis sûr de ne pas y perdre si je peux continuer comme cela. Ces grandes toiles sont toutes bonnes. Mais aussi elles sont éreintantes.
Ci joint une lettre d’hier que j’envoie telle quelle.8 Tu y verras ce que j’y pense du portrait Gauguin. Trop noir, trop triste. Je ne dis pas que je ne l’aime pas tel quel mais il changera et doit venir. Oui va, ils dépensent moins que moi, oui – mais – si j’etais à trois comme eux – en dépensant un peu plus – ce serait mieux.–
Encore une fois – il ne faut pas dessiner avec du bleu de prusse dans de la chair! Car alors cela cesse d’etre de la chair, ca devient du bois!9
Et pour G. il n’a rien de plus pressé ni de mieux à faire que de me rejoindre. Cependant j’ose croire que quant à la coloration les autres tableaux bretons soient superieurs à ce portrait qu’il m’envoie, fait en somme à la hate. Et suis loin de juger ces etudes-là. Pourtant tu verras toi-même.– Dis donc, si cela t’es possible ne me fais pas languir toute la semaine. Si tu peux le faire envoie moi encore un louis. Je ne sais trop que faire sans cela.
Ne crois pas que j’exagère pour le portrait Gauguin ni pour Gauguin lui-même.
Il doit manger, se promener avec moi dans une belle nature – tirer une fois ou deux son coup – voir la maison comme elle est et comme nous la feront et enfin se distraire serieusement.
Il a vecu à bon marché, oui mais il en est devenu malade à ne plus pouvoir distinguer un ton gai d’un ton triste.
Eh bien cela ne vaut rien du tout. Il est grand temps qu’il vienne allez et il se guerira bien vite.
En attendant, moi aussi pardonne moi si j’exède mon budget. je travaillerai d’autant plus, je t’assure. Mais j’ai mille et mille fois horreur de ces melancolies à la Meryon!!!10 (J’etais tellement pris depuis Jeudi que de Jeudi à Lundi je n’ai fait que deux repas, pour le reste je n’avais que du pain et du café que j’etais encore obligé de boire à credit et que je devais payer aujourd’hui. Ainsi si tu peux ne tarde point.–)
Tu verras un jour les deux portraits de G. et de Bernard.11 Et tu compareras aux négresses.12 Et tu verras qu’il faut actuellement qu’il s’egaie.
Ou sans cela..........
Mais pas de sans cela mettons, il s’égayera.
Mais il est bien grand temps.
Je t’ecris en hâte, je travaille à un portrait.
C.à.d. que je fais un portrait de notre mere pour moi. Je ne peux pas voir la photographie sans couleur et je cherche à en faire un avec de la couleur harmonieuse comme je la vois de souvenir.13
Je te serre bien la main.
t. à t.
Vincent.
Ne tarde – si cela ne te gêne pas trop – ne tarde pas de m’envoyer le louis et la toile.
merci de ta lettre mais j’ai bien langui cette fois ci, mon argent etait epuisé Jeudi, ainsi jusqu’à Lundi midi c’etait bigrement long. J’ai principalement vécu de 2314 cafés ces 4 jours-là durant avec du pain et que je dois encore payer. C’est pas de ta faute c’est la mienne si faute il y a. Car j’ai été enragé pour voir mes tableaux dans des cadres et j’en avais un peu trop commandé pour le budget vu que le mois de loyer et la femme de chambre15 devaient etre payés aussi. Même encore aujourd’hui, aussi cela va m’epuiser. Car je dois aussi acheter de la toile et la preparer moi-meme. Celle de Tasset n’etant pas encore arrivée. Voudrais tu le plus tôt possible lui demander s’il l’a expediée, 10 metre ou au moins 5 mètres de toile ordinaire à fr 2.50.
Mais cela me serait égal mon cher frère si je ne sentais pas que toi-meme dois souffrir de cette pression qu’excerce sur nous le travail actuellement. Mais j’ose croire que si tu voyais les etudes tu me donnerais raison de travailler “chauffé à blanc” tant qu’il fait beau – ce qui n’est pas le cas ces dernières journées – du mistral impitoyable qui balaye les feuille mortes avec rage. Mais entre cela & l’hiver il y aura encore une période de temps et d’effets magnifiques et alors il s’agira de nouveau de faire un effort à corps perdu. Je suis tellement dans le travail que je ne peux m’arrêter du coup. Soyez tranquille, le mauvais temps m’arrêtera encore trop tôt. Comme aujourd’hui, hier et avant hier dejà. Veuille de ton côté chercher à persuader Thomas. Il fera toujours quelque chôse. Pour ma semaine sais tu ce qui me reste aujourd’hui
3v:8 et cela après 4 jours de jeûne rigide. Juste 6 francs.–
C’est le lundi le jour que je reçois ta lettre même.
J’ai mangé à midi mais ce soir déjà il faudra que je soupe d’une croute de pain.
Et tout cela va dans rien autre chôse que soit dans la maison soit dans les tableaux. Car je n’ai meme depuis au moins 3 semaine pas de quoi aller tirer un coup à 3 francs.
Mais elle est bien bonne celle de Bague!–
Si ces messieurs peuvent s’etre servi des Mauve comme de repoussoirs de Corots cela peut etre vrai et cela peut meme etre juste. Car en effet à côté des Corot, les Mauve, Mesdag, Maris sont lourds en effet. Il n’en est pas moins vrai qu’ils en ont acheté beaucoup, meme les dernieres
3v:9 aquarelles de Mauve. C’est eux qui les ont prises comme nous les avons vus pour y être encadrés chez l’encadreur des Monticelli de Reid. Bague, j’en suis presque sûr, aimerait mes grandes etudes Ciel etoilé, Sillons,16 &c. il aimera beaucoup moins certaines autres du dernier envoi. Bague a cela de sympathique pour moi qu’il aime la peinture grasse et en pleine pâte, je l’ai assez entendu là-dessus dans le temps. Je n’y compte aucunement qu’ils achèteront, seulement tu ne feras pas mal de dire à Bague que j’ai de grandes etudes ici – nouvelles – d’effets d’automne.– Et tiens le en haleine avec cela. Je dirais, montre lui et à Thomas le verger blanc, lamoisson toile de 30,17 pas grand autre chose. Il ne faut pas insister sur les études qui coutent plus de mal mais qui sont moins plaisantes que les tableaux qui en sont le résultat et le fruit et qu’on peint comme en rêve et sans tant en souffrir.
J’ai fait fabriquer pour les deux “Jardindu poète” des cadres en noyer qui font fort bien. Et je cherche maintenant
3r:10 un cadre en châtaignier jauni. C’est raide et simple comme une bordure d’ardoise mais le ton du bois fait bien. Le sapin aussi fait bien pour les Sillons et la vigne.
Si tu etais bien bon tu m’enverrais un louis par retour du courrier, je passerais ma semaine et je serais à l’abri du “tangage” qui a accompagné le commencement de ce mois ci. Sans cela je languirais trop et n’aurais pas toutes mes forces pour les beaux jours que j’espere fin semaine après le mistral.
Ci joint encore une lettre que j’écrivais ces jours ci sur le portrait de Gauguin.18 Je te l’envoie parceque je n’ai pas le temps de la transcrire mais le principal c’est que je souligne ceci. Que je n’aime pas ces atrocités de “l’oeuvre” qu’en tant que quant à nous montrant notre chemin. Notre chemin c’est de ne pas les endurer pour nous ni les faire endurer aux autres, au contraire ce chemin