il est probable que demain matin j’aurai de tes nouvelles mais ce soir j’ai le temps de t’écrire et la semaine a été assez mouvementée.
Je compte aller habiter la maison demain, seulement ayant encore acheté des choses et en ayant encore à ajouter – et je ne parle que du strict nécessaire – il faudra que tu m’envoies encore une fois 100 francs au lieu de 50.
Si je compte pour moi pour la semaine passée 50 francs et si je les deduis conséquemment des 300 francs envoyés il ne me reste, même avec un autre surplus de 50 francs, que le prix tout juste des deux lits. Et tu vois ainsi que si tout de même j’ai déjà acheté bien d’autres chôses déjà que les lits seuls avec la literie, que j’y ai encore mis en bien grande partie les 50 francs de la semaine et en partie j’ai gagné sur l’un ou l’autre lit en faisant l’un des deux un peu plus simple. Je suis persuadé que nous faisons enfin bien en meublant l’atelier.
Et pour le travail je me sens déjà plus libre et moins travaillé par le chagrin innécessaire qu’auparavant.
Seulement si je soignerai davantage, j’espère, le style et la qualité de mon travail, il ira un peu plus lentement ou plutôt je serai obligé de garder les tableaux chez moi plus longtemps. Pour qu’il y ait des chôses qui se tiennent et se complètent. Aussi parcequ’il y aura des tableaux que je ne veux pas du tout t’envoyer avant qu’ils soient secs comme un os.
De cette dernière catégorie est une toile de 30 carrée qui représente un coin de jardin avec un arbre pleureur, de l’herbe, des buissons taillés en boule de cèdre, un buisson de laurier rose.1 Conséquemment le même coin de jardin dont tu as déjà une étude dans le dernier envoi.2
Mais étant plus grand il y a sur le tout un ciel citronné et ensuite les couleurs ont des richesses et des intensités d’automne. Ensuite c’est bien davantage en pleine pâte simple et grasse.
Cela c’est le premier tableau de cette semaine. Le deuxieme représente l’extérieur d’un
1v:3 café illuminé sur la terrasse par une grande lanterne de gaz dans la nuit bleue avec un coin de ciel bleu étoilé.3
Le troisieme tableau de cette semaine est un portrait de moi même presquedécoloré, des tons cendrés sur un fond véronèse pâle.4
J’ai acheté expres un miroir assez bon pour pouvoir travailler d’après moi-même à défaut de modèle car si j’arrive à pouvoir peindre la coloration de ma propre tête, ce qui n’est pas sans présenter quelque difficulté, je pourrai bien aussi peindre les têtes des autres bonshommes et bonnes femmes.
La question de peindre les scenes ou effets de nuit sur place et la nuit même, m’intéresse énormément.5 Cette semaine je n’ai absolument rien fait que peindre et dormir et prendre mes repas. Cela veut dire des séances de douze heures, de 6 heures et selon,a et puis des sommeils de 12 heures d’un seul trait aussi.
J’ai lu dans le supplement litteraire du figaro de Samedi (15 Sept.) la description d’une maison impressioniste. Cette maison etait construite, comme seraientb desfonds de bouteilles, en briques de verres bombés – de verre violet. Le soleil là-dedans se refletant, les reflets jaunes se brisant, il en resultait un effet inoui.
Pour soutenir ces murs en briques de verre en forme d’oeufs violets on avait inventé un support en fer noir et doré représentant des sarments de vigne étranges et autres plantes grimpantes. Cette maison violette se trouvait au beau milieu d’un jardin dont tous les sentiers etaient faits d’un sable très jaune. Les parterres de fleurs ornamentales étaient naturellement des plus extraordinaires comme coloration. Cette maison doit exister si j’ai bonne mémoire à Auteuil.6 Sans changer rien à la maison ni maintenant ni plus tard, je voudrais tout de même par la décoration en faire une maison d’artiste. Cela viendra. Je te serre bien la main. j’ai fait une promenade magnifique à moi seul dans les vignes aujourd’hui.