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Mon cher Theo,
Lorsque Gauguin travaillera avec moi et que de son côté il se montre un peu genereux pour ce qui est de ses tableaux –
Alors est ce que toi tu ne donnes pas de l’ouvrage alors à deux artistes qui n’auraient rien à faire sans toi, et tout en admettant que je te crois parfaitement dans le juste lorsque tu dis que pour ce qui est de l’argent tu n’y vois pas d’avantage. D’un autre côté tu feras quelque chose comme Durand Ruel qui dans le temps avant que les autres eussent reconnus la personalité de Claude Monet, lui a pris des tableaux. Alors Durand Ruel pas non plus y a gagné, à un moment il était plein de ces tableaux-là sans pouvoir les écouler.1 Mais enfin ce qu’il a fait cela reste toujours bien fait et actuellement il peut toujours se dire qu’il a gagné sa cause. Si moi je voyais désavantage cependant d’argent je n’en parlerais pas. Mais il faut que Gauguin soit loyal, or tout en voyant que l’arrivée de son ami Laval lui a ouvert momentanément une autre ressource je crois qu’il hésite entre Laval et nous.2
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Je ne l’en blame pas; seulement si G. lui ne perd pas de vue son interêt il n’est que comme de juste que toi tu ne perdes pas de vue le tien au point de vue du remboursement en tableaux. On voit déjà que Gauguin nous aurait déjà complètement plantés là si Laval avait eu un tant soit peu le sou. Je suis tres curieux de savoir ce qu’il te dira à toi dans sa prochaine lettre que tu auras certainement sous peu.
Voila je suis sûr que qu’il vienne ou non l’amitié avec lui durera mais que de notre côté il faut avoir un peu de fermeté. Il ne trouvera pas mieux, à moins que cela soit justement en se faisant prévaloir de ce que toi as voulu faire pour lui. Or cela il ne l’osera pas. Saches seulement que si moi je le vois pas venir je ne m’en ferai pas le moindre mauvais sang et que je n’en travaillerai pas moins, que s’il vient il sera fort le bien venu. Mais je vois tellement que compter sur lui  1v:3 serait justement ce qui nous fouterait dedans. Fidèle il le sera si cela est dans son avantage, or s’il ne vient pas il trouvera autre chose mais il ne trouvera pas mieux et il n’y perdra rien en ne faisant pas le malin.
Il me faudra encore 5 mètres de toile ordinaire à fr. 2.50 mais il va sans dire que Tasset en considérant le poids de ce colis devrait envoyer soit un mètre de plus soit un mètre de moins afin que le port ne soit pas double.3
Je crois que l’occasion est bonne maintenant pour que tu demandes carrément à Gauguin lorsqu’il t’écrira, viens tu ou ne viens tu pas?
Si tu n’es pas décidé, de part et d’autre nous ne serons pas tenu à faire la chôse projetée. Si le plan d’une association plus sérieuse doive pas s’exécuter c’est égal mais alors chacun doit reprendre son droit d’agir. Ma lettre à Gauguin est partie, je leur ai demandé un échange s’ils veulent, j’aimerais tant avoir ici le portrait de Bernard par Gauguin et celui de Gauguin par Bernard.4
Ci inclus un article qui t’intéressera, tu aurais bien raison d’aller voir cela.5
Les idées pour le travail me viennent en abondance et cela fait que tout en étant isolé je n’ai pas le temps de penser ou de sentir. Je marche comme une locomotive à peindre.
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Or je crois que cela ne s’arrètera plus guère. Et mon idée est qu’un atelier vivant, on ne le trouvera jamais tout fait mais par le travail et en patientant dans le même endroit cela se crée de jour en jour. J’ai une etude de vieux moulin peinte à tons rompus6 comme le Chêne sur le rocher, cette étude que tu disais avoir encadrée avec le semeur.7 L’idee du semeur me hante toujours encore. Les etudes outrées comme le semeur, comme maintenant le café de nuit,8 me semblent à moi atrocement laides et mauvaises d’habitude mais lorsque je suis émotionné par quelque chôse comme ici ce petit article sur Dostoievsky9 alors ce sont les seules qui me paraissent avoir une signification plus grave.
J’ai une troisieme étude maintenant d’un paysage avec usine et un soleil enorme dans un ciel rouge au-dessus des toits rouges où la nature semble être en colère un jour de mistral méchant.10
Pour ce qui est de la maison cela continue de m’apaiser beaucoup qu’elle va être habitable. Est ce que mon travail sera plus mauvais parceque en restant dans le même endroit je reverrai les saisons aller et venir sur les memes motifs. En revoyant au printemps les même vergers, en eté les mêmes blés, involontairement je vois mon travail regulierement devant moi d’avance et peux mieux faire des plans. Puis en gardant ici de certaines etudes pour faire un tout qui se tienne, cela te fera au bout d’un certain temps une oeuvre plus calme. Je sens que en tant que quant à cela nous sommes assez bien dans le juste. Je voudrais seulement que tu fusses plus près d’ici.
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Considerant que je ne peux pas rapprocher le nord du midi, que faire.
Alors je me dis que moi-meme seul je ne suis pas capable de faire de la peinture importante assez pour qu’elle motive ton voyage dans le midi deux ou trois fois par an. Mais – Si Gauguin venait et si nous étions un peu connus comme restanta ici et aidant les artistes à vivre et à travailler je ne vois toujours pas l’impossibilité que le midi devienne pour toi comme pour moi une seconde patrie en quelque sorte.
Je suis bien aise d’avoir fini ma lettre à Gauguin sans dire que cela me desoriente un peu qu’il doit hésiter à aller resterb avec Laval ou avec moi. Il serait injuste de ne pas lui laisser pleine liberté de choisir et de faire comme il peut. Mais je lui ai ecrit que j’etais persuadé que même s’il ne venait pas ici parceque le voyage lui serait pas possible alors il ne resterait pas plus longtemps dans un hôtel.
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Et que c’etait alors deux ateliers fixes au lieu d’un seul.
Je reviens toujours là-dessus qu’une fois fixé on travaille plus tranquillement. et dans cette position-là on peut à l’occasion toujours aider davantage les autres aussi. Bernard dit que cela lui fait souffrir de voir combien Gauguin est souvent empêché de faire ce qu’il peut pourtant pour des questions toutes materielles de couleur, de toile &c. Enfin dans tous les cas cela ne durera pas. Le pire qui pourrait lui arriver ne serait ce pas qu’il soit forcé de laisser ses tableaux en gage chez son logeur pour sa dette et de se refugier soit chez toi soit chez moi en faisant le voyage simple. Mais dans ce cas s’il voudrait pas perdre ses tableaux il doit bien nettement attaquer son logeur. Un cas comme cela où la marchandise dans tous les cas vaut bien plus que la dette peut etre jugé d’urgence par le président du tribunal civil de l’arondissement. en cas que le logeur pretend garder le tout, ce dont il n’a pas le droit.

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