Back to site

656 To Theo van Gogh. Arles, Monday, 6 August 1888.

metadata
No. 656 (Brieven 1990 660, Complete Letters 518)
From: Vincent van Gogh
To: Theo van Gogh
Date: Arles, Monday, 6 August 1888

Source status
Original manuscript

Location
Amsterdam, Van Gogh Museum, inv. no. b559 V/1962

Date
Since Theo has already returned from attending Uncle Vincent’s funeral and has reported on it (ll. 1*-2) the letter must date from early August (Uncle Vincent died on Saturday, 28 July). The letter was written on a Monday (l. 28) and Vincent was going to pay the rent for August that day (ll. 26-27) as he had promised to do (see letter 654 of about 3 August). The letter must therefore have been written on Monday, 6 August 1888.

Ongoing topics
Uncle Vincent’s death (652)
Gauguin coming to Arles (602)
The birth of Marcelle Roulin (653)
Van Gogh is staying at the Café de la Gare (606)
The batch of drawings for Russell (652)

original text
 1r:1
mon cher Theo,
il me semble que tu aies bien fait de te rendre à l’enterrement de l’oncle puisque la mère semblait t’attendre. le meilleur moyen de mourir autrement c’est de gober l’illustre défunt tel quel comme étant le meilleur homme du meilleur des mondes possible où tout va toujours pour le mieux.–1 Ce qui étant incontesté et par conséquent incontestable, il nous demeure après sans doute loisible de retourner à nos affaires. Cela me fait plaisir que notre frère Cor soit devenu plus gros & plus fort que nous autres. Et il doit être stupide s’il ne se marie pas car il n’a que ça et ses bras. Avec ça et ses bras ou ses bras & ça et ce qu’il sait des machines,2 moi pour un voudrais être à sa place si j’avais des désirs quelconques d’être quelqu’un.3
En attendant je suis dans ma peau et ma peau dans l’engrenage des Beaux Arts comme le grain entre les meules.
T’ai je dit que j’ai envoyé des dessins à l’ami Russell.4 Dans ce moment je refais à peu près les mêmes pour toi, il y en aura 12 également.5 Tu vas voir mieux alors ce qu’il y a dans les études peintes comme dessin. Je t’ai déja dit que j’ai toujours à lutter contre le mistral qui empêche absolument d’être le maitre de sa touche. De là le “hagard” des études. Tu me diras qu’au lieu de les dessiner je devais les repeindre sur d’autres toiles chez moi.– C’est à quoi je songe parfois car c’est pas de ma faute que dans le cas donné l’exécution manque de touche plus spirituelle. Qu’en dirait Gauguin s’il était ici, serait-il d’avis de chercher un endroit plus abrité?
Je dois maintenant te dire une chôse désagréable encore pour l’argent, c’est que je n’arriverai pas cette semaine car aujourd’hui même je paye 25 francs,6 j’aurai de l’argent pour 5 jours et pour sept non. Nous avons lundi – si Samedi matin j’ai ta prochaine lettre, inutile d’augmenter alors le contenu.
 1v:2
Semaine derniere j’ai non seulement fait un mais meme deux portraits de mon facteur, un mi corps avec mains & une tête grandeur nature.7
le bonhomme n’acceptant pas d’argent etait plus cher mangeant, buvant avec moi et je lui donne en outre La Lanterne de Rochefort.8 Enfin voila un mal faible et sans importance en comparaison de ce qu’il a fort bien posé cela,a et que je compte aussi peindre son nouveau né sous peu. Car sa femme vient d’accoucher.
Je t’enverrai en même temps que les dessins que j’ai en train deux lithographies de de Lemud, “le vin” et “le café”;9 dans “le vin” il y a un espèce de Méfisto qui fait un peu penser à C.M. plus jeune, et dans le café – .. c’est absolument Raoul – tu sais cet espèce d’étudiant vieux bohème encore que j’ai connu l’année passée.10 Quel talent à la Hoffmann ou Edgard Poe11 il a ce de Lemud. En voilà un dont on parle si rarement pourtant. Tu n’aimeras peut être pas énormement ces lithographies à première vue – mais c’est justement en les regardant plus longtemps que cela gagne.
Je n’ai plus ni toile ni couleurs & ai deja dû acheter ici. Et il me faut encore en reprendre. Je te prie donc d’envoyer ta lettre de façon que je l’aie Samedi matin.
Je vais aujourd’hui probablement commencer l’intérieur du café où je loge, le soir au gaz.12 C’est ce qu’on appelle ici un “café de nuit” (ils sont assez fréquents ici) qui restent ouverts toute la nuit.– Les “rodeurs de nuit” peuvent y trouver un asile donc, lorsqu’ils n’ont pas de quoi se payer un logement ou qu’ils soient trop souls pour y être admis.
 1v:3
Toutes ces chôses, famille, patrie, sont peutetre plus charmantes dans l’imagination de tels que nous – qui nous passons passablement bien de patrie ainsi que de famille – que dans aucune réalité. Il me semble toujours être un voyageur qui va quelque part & à une destination.
Si je me dis, le quelque part, la destination n’existent point, cela me semble bien raisonné et véridique.
Le souteneur du bordel lorsqu’il fout quelqu’un à la porte en a une pareille de logique, raisonne bien aussi et a toujours raison. Je le sais. Aussi à la fin de la carrière j’aurai tort. Que soit. Je trouverai alors que non seulement les beaux arts mais le reste aussi n’étaient que des rêves, que soi-même on était rien du tout. Si nous sommes si légers que ça tant mieux pour nous, rien ne s’opposant alors à la possibilité illimitée d’existence future. D’où vient que dans le cas présent de la mort de notre oncle le visage du mort était calme, serein et grave. Lorsque c’est un fait que vivant il n’était guère ainsi ni étant jeune ni vieux.– Si souvent j’ai constaté un effet comme cela en regardant un mort comme pour l’interroger. Et cela est pour moi une preuve – non pas la plus sérieuse – d’une existence d’outre tombe.
Un enfant dans le berceau egalement, si on le regarde à son aise, a l’infini dans les yeux. En somme je n’en sais rien mais justement ce sentiment de ne pas savoir rend la vie reelle que nous vivons actuellement comparable à un simple trajet en chemin de fer. On marche vite mais ne distingue aucun objet de très près et surtout on ne voit pas la locomotive.
Il est assez curieux que notre oncle comme notre pere croyaient à la vie future. Sans parler de notre père j’ai plusieurs fois entendu l’oncle raisonner là-dessus.  1r:4 Ah – par exemple ils étaient plus sûrs que nous et affirmaient, se fâchant si on osait approfondir.
La vie future des artistes par leurs oeuvres je n’en vois pas grand chôse. Oui les artistes se continuent en se passant le flambeau, Delacroix aux impressionistes &c.
Mais est ce là tout?–
Si une bonne vieille mère de famille à idées passablement bornées et martyrisées dans le système crétien serait immortelle ainsi qu’elle le croit – et cela sérieusement. Et moi pour un n’y contredis point. Pourquoi un cheval de fiacre poitrinaire ou nerveux comme Delacroix et de Goncourt, aux idees larges cependant, le seraient ils moins. Vu qu’il parait que juste les gens les plus vidés sentent naître cette indefinissable espérance.
Suffit, à quoi bon s’en préoccuper. Mais en vivant en pleine civilisation, en plein Paris et plein beaux arts, pourquoi ne garderait on pas ce moi de vieille femme. Si les femmes elles-même sans leur croyance de “ca y est” instinctif ne trouveraient pas la force de créer et d’agir.
Alors les medecins nous diront que non seulement Moise, Mahomet, le Christ, Luther, Bunyan et autres etaient fous mais egalement Frans Hals, Rembrandt, Delacroix et egalement toutes les vieilles bonnes femmes bornees comme notre mère. Ah – c’est grave cela.– On pourrait demander à ces medecins où alors seraient les gens raisonables.
Sont ce les souteneurs de bordel ayant toujours raison. Il est probable.
Alors que choisir. heureusement il n’y a pas à choisir. Poignée de main &

t. à t.
Vincent

translation
 1r:1
My dear Theo,
It seems to me that you did well to go to our uncle’s funeral, as our mother seemed to expect you. The best way of dying otherwise is to esteem the illustrious departed just as he is, as being the best man in the best of possible worlds, where everything is always for the best.1 Which being uncontested and thus incontestable, we are then no doubt at liberty to return to our own business afterwards. I’m pleased that our brother Cor has grown bigger and stronger than the two of us. And he’ll be stupid if he doesn’t marry, because he has only that and his hands. With that and his hands, or his hands and that, and what he knows about machines,2 I for one would like to be in his position if I had any sort of desire to be somebody.3
Meanwhile, I’m in my skin, and my skin in the gear-wheels of the Beaux-Arts like the grain between the millstones.
Did I tell you that I sent some drawings to our friend Russell?4 At the moment I’m doing the same ones, more or less, for you; there’ll be 12 of them too.5 You’ll see better then what there is in the painted studies in the way of drawing. I’ve already told you that I always have to struggle against the mistral, which absolutely prevents one being in control of one’s touch. Hence the ‘wild’ look of the studies. You’ll tell me that instead of drawing them I ought to repaint them at home on other canvases. That’s what I sometimes think about, because it’s not my fault that in the case given the execution lacks a more spiritual touch. What would Gauguin say about it if he was here? Would he be in favour of looking for a more sheltered place?
I must now tell you something disagreeable again about money; it’s that I won’t manage this week, because this very day I pay 25 francs;6 I’ll have money for 5 days and not for seven. It’s Monday — if I have your next letter on Saturday morning, no need then to increase the contents.  1v:2
Last week I did not only one but even two portraits of my postman, one half-length, with hands, and a life-size head.7
The chap, not accepting money, was more expensive, eating, drinking with me, and in addition I gave him Rochefort’s La Lanterne.8 But there you are, a minor and unimportant problem compared with the fact that he posed for it very well, and that I also plan to paint his newborn baby shortly. Because his wife has just given birth.
At the same time as the drawings that I have on the go I’ll send you two lithographs by De Lemud, ‘Wine’ and ‘Coffee’;9 in ‘Wine’ there’s a Mephisto character who makes you think a little of C.M. when younger, and in Coffee —.. it’s absolutely Raoul — you know that perpetual old bohemian student type whom I knew last year.10 What a talent, in the style of Hoffmann or Edgar Poe,11 this De Lemud has. And yet there’s somebody who’s spoken of so rarely. You’ll perhaps not like these lithographs very much at first glance — but it’s precisely when looking at them longer that they grow on you.
I have no more canvas or paint and have already had to buy here. And I have to get even more. So I beg you to send your letter so that I have it on Saturday morning.
Today I’m probably going to start on the interior of the café where I’m staying, in the evening, by gaslight.12 It’s what they call a ‘night café’ here (they’re quite common here), that stay open all night. This way the ‘night prowlers’ can find a refuge when they don’t have the price of a lodging, or if they’re too drunk to be admitted.  1v:3
All these things, family, native country, are perhaps more appealing in the imagination of such as us — who do fairly well without a native country, as well as a family — than in any reality. It always seems to me that I’m a traveller who’s going somewhere and to a destination.
If I say to myself, the somewhere, the destination don’t exist at all, that seems well argued and truthful to me.
When he kicks somebody out, the brothel-keeper has a logic of the same kind, argues well, too, and is always right. I know that. And at the end of my career I’ll be wrong. So be it. Then I’ll find that not only the fine arts but the rest as well were nothing but dreams, that we were nothing at all ourselves. If we’re as lightweight as that, so much the better for us, as nothing would then stand in the way of the limitless possibility of future existence. Which is why in the present case of our uncle’s death, the dead man’s face was tranquil, serene and grave. When it’s a fact that, while living, he was scarcely like that, neither when young nor when old. So often I’ve noticed an effect like that when looking at a dead man as if to question him. And that’s one proof for me — not the most weighty — of an existence beyond the grave.
And a baby in its cradle, also, if you look at it at your ease, has the infinite in its eyes. In fact, I know nothing about it, but precisely this feeling of not knowing makes the real life that we’re living at present comparable to a simple journey by train. You go fast, but you can’t distinguish any object very close up, and above all, you can’t see the locomotive.
It’s rather odd that our uncle, like our father, believed in the future life. Not to mention our father, I’ve heard our uncle debating it several times.  1r:4 Ah — for example, they were more certain than us, and asserted themselves, getting angry if one dared go into it more deeply.
I don’t see much of the future life of artists through their works. Yes, artists perpetuate themselves, passing on the torch, Delacroix to the Impressionists, &c.
But is that all?
If a kind old mother of a family, with pretty limited ideas that are tormented in the Christian system, were immortal, just as she believes — and this seriously. And I for one in no way deny it. Why should a consumptive or nervous cab-horse, like Delacroix or De Goncourt, with broad ideas though, be any less
so? Seeing that it appears that it is precisely the most worn-out people who feel the germ of this indefinable hope.
That’s enough, what’s the use of worrying about it? But living in the heart of civilization, in the heart of Paris and the heart of the fine arts, why shouldn’t one keep this self of an old woman? If women themselves, without their instinctive belief in an ‘it’s there’, wouldn’t find the strength to create and to act?
Then the doctors will tell us that not only Moses, Mohammed, Christ, Luther, Bunyan and others were mad, but also Frans Hals, Rembrandt, Delacroix and all the good, narrow-minded old ladies like our mother as well. Ah — that’s serious, that is. We could ask these doctors, where, then, are the sensible people?
Are they, the brothel-keepers, always in the right? It’s probable.
What to choose, then? Fortunately we don’t have to choose. Handshake and

Ever yours,
Vincent
notes
1. See letter 568, n. 3, for this quotation from Voltaire’s Candide.
2. Cor had been apprenticed to an engineering works in Helmond (see letters 443, n. 3 and 471, n. 6), and had been working for a similar company in Lincoln, England, since 1887.
3. See letter 550, n. 12, for the expression ‘to be someone’, taken from Edmond de Goncourt’s Chérie.
4. See letter 654, n. 1, for the 12 drawings for Russell.
5. See letters 657 and 663 for this batch of drawings for Theo.
6. Van Gogh had had to ask the landlord for more time to pay (see letter 654). The rent for the Yellow House was 15 francs a month (see letter 664).
7. Joseph Roulin (F 432 / JH 1522 ) and Joseph Roulin (F 433 / JH 1524 ).
8. Exactly what Van Gogh gave Roulin is not clear. It may have been one or more copies of the popular political satire weekly La Lanterne, founded by Henri Rochefort, which appeared in 1868 and 1869, or of the radical socialist anticlerical daily of the same title, which had been published since 1877 and with which Rochefort was associated for some time. See Henri Rochefort, Nouméa to Newcastle. The story of an escape. Translated from the French by Kenneth R. Dutton. Newcastle 2002. Introduction, p. 1.
a. Read as (figurative) direct object with ‘pose’.
9. The two lithographs (pendants) Le café (The coffee) and Le vin (The wine) by Aimé de Lemud were published in Paris by Goupil and Vibert (Paris, BNF, Cabinet des Estampes). Ill. 2215 and Ill. 1047 .
10. Nothing is known about this Raoul, whom Van Gogh met in Paris.
11. Van Gogh likewise bracketed the writers Hoffmann and Poe together in letter 361. A mysterious, demonic atmosphere permeates their fantastic tales.
12. Van Gogh put this plan into effect a month later; see letter 676.