646 Paul Gauguin to Vincent van Gogh. Pont-Aven, on or about Sunday, 22 July 1888.

L’art est une abstraction, malheureusement on devient de plus en plus incompris.– Je voudrais bien que nous arrivions à nos fins, c’est à dire à mon voyage en Provence. J’ai eu toujours la toquade d’interpréter les courses de taureaux à ma façon, telles que je les comprends. Je commence à reprendre la liberté dans mes facultés: ma maladie m’avait affaibli et dans mes dernieres études j’ai, je crois, depassé ce que j’ai fait jusqu’à present. Naturellement cette bande de mufles qui sont ici me trouvent tout à fait fou et j’en suis satisfait car celà me prouve que je ne le suis pas.– Je viens de terminer une  1v:2 lutte bretonne que vous aimerez j’en suis sûr.

Pelouse verte – veronèze pur dégradant jusqu’au jaune de chrôme sans exécution, comme les crépons japonais.

En haut cascade d’eau bouillonante  1v:3 blanc rose et arc en ciel sur le bord près du cadre.

En bas tache blanche, un chapeau noir et blouse bleue.1

Quel est donc ce Thomas dont vous parlez, est-ce Thomas de Bojano.– À moins que ce ne soit le marchand qui demeurait près de la place Vendôme.–4

Mon ami Laval est revenu de la Martinique; il a rapporté quelques aquarelles très-curieuses.5 Je vous en ferai voir que vous aimerez, c’est de l’art. Je parle comme si nous étions dejà ensemble.– Il faut vous dire qu’une fois que j’ai  1r:4 pris une résolution j’ai toujours hâte de la mettre à exécution.

Si ce n’était ce sale argent mes malles seraient bientôt faites. Je ne sais pourquoi mais depuis une dizaine de jours j’ai en tête beaucoup de folies peintes que je compte executer dans le midi: celà tient je crois à mon état de santé qui est redevenu florissant. J’ai comme un besoin de lutte; de tailler à coups de massue – après toutes les recherches que je viens de faire ici je crois pouvoir aller facilement de l’avant.

En attendant que nous soyons reunis, affectueusement la main.