589 To Theo van Gogh. Arles, on or about Sunday, 25 March 1888.

Je te felicite beaucoup de la lettre de Tersteeg – je la trouve absolument satisfaisante.

Je suis persuadé qu’il n’y a rien de blessant dans son silence à mon égard, d’ailleurs il y aura compté que tu me ferais lire sa réponse. Puis c’est beaucoup plus pratique qu’il n’aie à écrire qu’à toi, et en tant que quant à moi, s’il ne trouve pas absolument mauvais ce que je fais tu verras qu’il m’écrira un mot aussitôt qu’il aura vu mon travail. Encore une fois donc, je suis plus content de sa réponse simple et bienveillante que je ne saurais te l’exprimer.

Tu auras remarqué qu’il se déclare disposé à faire l’achat d’un Monticelli bonne qualité pour sa propre collection.– Si tu lui disais que nous possédons dans notre collection un bouquet de fleurs qui est plus artistique et plus beau qu’un bouquet de Diaz.1

Que Monticelli prenait quelquefois un bouquet de fleurs, pour motif de rassembler sur un seul panneau toute la gamme de ses tons les plus riches et les mieux équilibrés. Et qu’il faut aller directement à Delacroix pour trouver à ce point l’orchestration des couleurs.2

Que – je veux parler du tabl. chez les Delarebeyrette3 – actuellement nous connaissons un autre bouquet de très-bonne qualité et à un prix raisonable et que nous le jugeons en tout cas très-supérieur aux Monticelli à figures qui courent les rues actuellement et appartiennent à une époque de decadence du talent de Monticelli.–

J’espère que tu lui enverras la belle marine de Gauguin.–4 Mais que cela me fait plaisir que Tersteeg aie répondu de cette façon.–

Lorsque tu lui écriras, dis lui un mot de Russell.– Quand moi j’écrirai à Russell, je lui parlerai de ses tableaux et je lui demanderai de me faire un échange5 parce que nous désirerions le nommer et montrer ses tableaux lorsque’il y sera question de l’école Renaissance actuelle.–

Je viens de faire un bouquet d’abricotiers en fleur dans un petit verger vert frais.6

Ai eu contrariété pour le coucher de soleil avec figures et un pont dont je parlais à Bernard.7 Le mauvais temps m’empêchant de travailler sur place, j’ai éreinté complètement cette étude en voulant la finir chez moi.

Seulement j’ai aussitôt après recommencé le meme motif sur une autre toile mais le temps étant tout autre, dans une gamme grise et sans figures.8

Je ne trouverais pas mauvais que tu envoyes à Tersteeg une étude de moi – veux tu dire le pont de Clichy avec le ciel jaune et deux maisons qui se reflètent dans l’eau?9

Merci bien encore aussi de toutes les démarches que tu a faites pour l’exposition des Indépendants, je suis en somme bien content qu’ils les ont placés avec les autres impressionistes.13 Mais – quoique pour cette fois ci cela ne fasse absolument rien – dans la suite il faudra insérer mon nom dans le catalogue tel que je le signe sur les toiles, c. à d. Vincent et non pas Vangogh pour l’excellente raison que ce dernier nom ne saurait se prononcer ici.14

Je te renvoie ci-inclus la lettre de Tersteeg et celle de Russell – il sera peutêtre intéressant de garder la correspondance des artistes.–15

Si tu ajoutais à ton envoi la petite tête de Bretonne de l’ami Bernard ce ne serait pas mal.16 Faut lui montrer que tous les impressionistes sont bons et que ce qu’ils font est très varié.

Je crois que notre ami Reid regrette de s’être brouillé, malheureusement il ne peut pas être question de lui offrir encore une fois les mêmes avantages – soit de chercher à lui faire avoir des tableaux en dépôt. Il ne suffit pas d’aimer les tableaux et il m’a semblé qu’il manquait de coeur pour les artistes.17 S’il change en tant que quant à cela ce ne sera pas d’ici à demain. Tersteeg a été l’ami personnel de Mauve et de bien d’autres et il a ce je ne sais quoi qui convainct les amateurs.– Tu verras que ce qui donne de l’aplomb c’est de connaître les gens.–

Je t’écris encore de ces jours ci, seulement voulais immédiatement te féliciter pour la renaissance de tes relations avec la Hollande.–

Poignée de main.