1r:1
Mon cher Théo,
Veux tu lire la lettre que j’ai écrite à M. Tersteeg – et veux tu la lui envoyer avec une lettre de toi si tu jugeras que la manoeuvre soit juste.1 Voici, j’ai pensé moi qu’il fallait faire un effort de ce côté parceque nous tiendrons Reid par v. Wisselingh2 et v. Wisselingh par Tersteeg.3 Et c’est ce que tu expliqueras à Tersteeg toi-même. Je ne veux pas, moi étant nourri par toi – toimême tirant tes propres revenues de la maisson Boussod Valladon &Cie, faire des choses contre la maison. Au contraire je ne demande pas mieux que ce que la chôse que tu as commencée dans le magasin du boulevard dure et prenne de l’importance.4 Mais il te faut du soutien d’autres employés de la maison. Si Tersteeg refuse de s’en mêler il nous reste comme agents Anglais Reid et Wisselingh. Tu sais que v. W. a marié la fille du marchand de tabl. à Glasgow concurrent de Reid.5 Si Reid prend les impressionistes, s’il trouve moyen de s’y lancer  1v:2 et s’il cherche à faire cela contre nous autres nous avons à partir de ce moment le droit de mettre son adversaire la-bàs au courrant. Mais si Wisselingh s’en occupe jamais et surtout si aujourd’hui ou demain tu aies une causerie avec W., aussitôt Tersteeg pourrait reprocher: pourquoi, monsieur l’employé de n. maison qui t’occupe des impressionnistes, ne m’as tu pas mis au courant?
Il faut donc que tu en parles à Tersteeg d’abord et pour t’éviter le mal d’ecrire une longue lettre c’est moi qui cette fois l’ai écrite.
Tu pourrais la compléter en disant un mot vague sur la question Reid et les impressionnistes et l’intérêt que v. Wisselingh peut dans la suite avoir, donc les complications de cette affaire.
Et ce que j’ai dit en post scriptum, soit que vu la modicité des prix en rapport avec l’intérêt que présentent les tableaux, Tersteeg peut bien en placer une cinquantaine en Hollande, et d’ailleurs il sera obligé d’en avoir parceque si deja à Anvers et à  1v:3 Bruxelles on en parle,6 on en parlera également à Amsterdam & à la Haye sous peu.–
Enfin la chôse proposée dans la lettre n’a rien de désagréable ni pour Tersteeg ni pour toi: tu le piloteras dans tous les ateliers et lui-même verra que l’année prochaine on parlera beaucoup et pour longtemps de la nouvelle école. Si pourtant tu juges la lettre mal à propos tu as mon plein pouvoir de la brûler. Seulement si tu l’envoies propose lui toimême la même chôse.
Tu sais pourtant bien que Tersteeg est chez luia dans les affaires anglaises comme un poisson dans l’eau et donc c’est absolument possible que ce soit lui qui dirige la marche de ces nouveaux tableaux là-bas. Vraiment de cette façon Tersteeg et le gerant de Londres7 feraient l’exposition permanente des impressionistes à Londres – toi tu aurais celle de Paris et moi je commencerais Marseilles.8 Mais il faut que Tersteeg voie beaucoup de ses propres yeux d’abord et c’est pourquoi qu’un grand tour dans les ateliers avec toi est desirable maintenant, tu lui expliqueras toute l’importance de l’affaire chemin faisant.
L’association des artistes se fera à plus forte raison puisque Tersteeg  1r:4 ne s’y opposera pas que nous ayons les interêts des artistes à coeur et qu’avant tout nous desirons faire monter le prix de revient du tableau, qui en somme ne serait pas vendable s’il ne coûtait rien.–
En tout cas, il faut en parler hardiment maintenant n’est-ce pas – et il faut que Mesdag & d’autres cessent de BLAGUER les impressionnistes.9– Cela fera du bien dans tous les cas que Tersteeg soit intervieuwé à ce sujet.
Tu vois que moi je vois toujours le grand noeud de l’affaire en Angleterre, ou bien les artistes donneront leur travail à vil prix aux marchands de là-bas, ou bien les artistes s’associeront et choisiront eux mêmes des agents intelligents qui ne soient pas des usuriers.– Maintenant réfléchis à la chôse – et envoie la lettre ou brûle la, comme tu jugeras pour le mieux. C’est pas une chôse arrêtée que je désire t’envoyer mais j’aurais une grande envie de voir Tersteeg là-dedans parce qu’il a l’aplomb nécessaire.
je te serre bien la main.

Vincent

J’ai encore une étude.10

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