1r:1
1Mon cher Theo, ma chère Jo,
1*merci de ta lettre que j’ai reçue ce
2matin1 et des cinquante francs qui s’y trouvaient.
3Aujourd’hui j’ai revu le Dr Gachet et je vais peindre
4chez lui Mardi matin puis je dinerais avec lui et après
5il viendrait voir ma peinture. Il me parait très raisonable
6mais est aussi decouragé dans son metier de médecin de
7campagne que moi de ma peinture_ Alors je lui ai dit que
8j’echangerais pourtant volontiers métier pour métier. Enfin
9je crois volontiers que je finirai par être amis avec lui. Il m’a
10d’ailleurs dit que si de la melancolie ou autre chôse deviendrait
11trop forte pour que je la supporte/ il pouvait bien encore y faire
12quelque chôse pour en diminuer l’intensité et qu’il ne fallait
13pas se gêner d’être franc avec lui. Eh bien ce moment-là
14où j’aurai besoin de lui peut certes venir/ pourtant jusqu’à
15aujourd’hui cela va bien. Et cela peut devenir encore mieux/
16je crois toujours que c’est surtout une maladie du midi que
17j’ai attrappé et que le retour ici suffira pour dissiper tout cela.
18Souvent/ fort souvent je pense à ton petit et je me dis alors
19que je voudrais qu’il fût grand assez pour venir à la campagne_
20Car c’est le meilleur système de les élever là. Combien
21je souhaiterais que toi/ Jo et le petit preniez un repos
22à la campagne au lieu du voyage traditionnel en Hollande.
23Oui je sais bien que la mère voudra absolument voir le
24petit et c’est certes une raison d’y aller. pourtant certes
25elle comprendrait si c’était réellement l’avantage du petit.
26Ici on est loin assez de Paris pour que ce soit la vraie
27campagne mais combien néamoins changé depuis
28Daubigny. Mais non pas changé d’une façon déplaisante/
29il y a beaucoup de villas & habitations diverses modernes
30et bourgeoises/ tres souriantes/ ensoleillées et fleuries_  1v:2
31Cela dans une campagne presque grasse/ juste
32à ce moment ci du développement d’une société
33'nouvelle dans la vieille/ n’a rien de desagreable; il
34y a beaucoup de bienêtre dans l’air_ Un calme
35à la Puvis de Chavannes j’y vois ou y crois voir,
36pas d’usines, mais de la belle verdure en abondance
37et en bon ordre.
38Veux tu me dire à l’occasion quel est le tableau qu’a
39acheté Mlle Bock. Je dois écrire à son frère pour
40les remercier et puis je proposerais l’échange de
41deux de mes études contre une de chacun d’eux_2
42Ci inclus un mot que tu enverrais à Isaacson s_v_p_3
43J’ai un dessin d’une vieille vigne dont je me
44propose de faire une toile de 304 puis une étude
45de maronniers rose5 et une de maronniers blancs_6
46Mais si les circonstances me le permettront j’espère
47faire un peu de figure. Vaguement des tableaux
48se présentent à ma vision/ qu’il prendra
49du temps pour mettre au clair mais ça viendra
50peu à peu. Si j’avais pas été malade/ depuis longtemps j’aurais
51ecrit à Bock et à Isaacson. Ma malle n’est pas encore
52arrivée/ ce qui m’embête/ j’ai envoyé ce matin une dépêche_
53Je te remercie d’avance de la toile et du papier.7 Hier et aujourd’hui
54il pleut & fait de l’orage mais c’est pas desagréable de revoir ces
55effets-là. Les lits ne sont pas arrivés non plus_8 Mais quoi qu’il
56en soit de ces embêtements/ je me sens heureux de ne plus être
57si loin de vous autres et des amis. J’espère que ta santé
58ira bien. Cela m’a pourtant paru que tu avais moins d’apetit
59que dans le temps et d’après ce que disent les medecins
60pour nos temperaments il faudrait une nourriture très solide_
61Sois donc sage là-dedans/ surtout Jo aussi ayant son enfant
62à nourrir_ Vrai il faudrait bien doubler la dose/ ce serait
63rien exagérer quand il y a des enfants à faire et à nourrir_
64Sans ça c’est comme un train qui marche lentement là
65où la route est droite_ Temps assez de moderer la vapeur
66quand la route est plus accidentée. Poignée de
67main en pensée_

68t. à v.
68*Vincent.


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