1r:1
Paris le 23 Avril 1890

Mon cher Vincent,
Ton silence nous prouve que tu souffres toujours et j’ai besoin de te dire mon cher frère, que Jo & moi nous souffrons aussi te sachant toujours malade.1 Oh nous serions si heureux si nous pouvions faire quelque chose pour toi qui puisse te soulager. Le Dr Peyron nous écrit qu’il ne faut pas s’inquiéter & que cette crise, quoique plus longue que les  1v:2 autres, passera aussi.2 Si la distance n’était pas si grande certes je serais déjà venu te voir et je compte, 17 que le jour où tu auras besoin de moi, ou que tu sentiras qu’il pourra te faire du bien de causer avec moi, tu me feras signe & j’accours toute suitea. La semaine dernière c’était déjà un an que je suis marié.3 Comme le temps passe vite. Nous avons toute raison d’être satisfait de cette année. Je n’oublie pas que tu ais insisté beaucoup pour que je me marie, et tu as vu juste, car je me sens bien bien plus heureux. C’est vrai que  1v:3 ma chère femme n’est pas tout le monde & que j’ai eu une chance énorme en la trouvant. Nous nous entendons très bien & notre intérieur est très agréable. Le petit donne à Jo surtout beaucoup de travail, mais il pousse étonnament. Il est de nature nerveuse mais très doux. Il peut rester éveillé pendant des heurres sans crier & il commence à rire & à pousser des sons qui doivent être le commencement de parler. Si tu pouvais le voir & jouer avec lui cela te ferait du bien. Nous avons l’intention pour Pentecote d’aller passer les deux jours de fête chez Pissarro, qui nous a invité. Il va cet été à Londres  1r:4 pour travailler.4 Tes tableaux à l’exposition ont beaucoup de succès. L’autre jour Duez m’arrêtait dans la rue & disait, faites des compliments à votre frère & dites lui que ses tableaux sont bien remarquables. Monet a dit que tes tableaux étaient les meilleurs de l’exposition. Beaucoup d’autres artistes m’en ont parlé. Serret est venu à la maison pour voir les autres toiles et était ravi. Il dit que s’il n’avait pas une genre où il avait encore des choses à dire il changerait et chercherait dans la voie que tu cherches.
Lauzet est de retour, il n’a pas pu passer chez toi car sa mère & sa soeur qui habitaient Marseille sont venues demeurer avec lui içi & il a dû aider à les déménager & n’avait pas le sou pour s’écarter de la route.5 Mon cher frère saches que rien au monde me ferait plus plaisir que de te savoir heureux & bien portant & que je fais tous les jours des voeux pour ta prompte guérison. Bon courage & bonne poignée de mains de Jo & de ton frère qui t’aime.

Theo

top