1r:1
le 4 Oct. 1889

Mon cher Vincent,
J’ai trop tardé à t’écrire pour te dire que ton dernier envoi est arrivé en bon ordre. J’aime beaucoup le champ de blé & les montagnes qui sont d’une dessin bien expressif. Il y a dans le champ de blé ce côté inébranlable qu’a la nature même dans ses aspects les plus  1v:2 farouches. Le verger est bien beau aussi.1 Isaacson qui écrit dans le dernier temps dans un journal Hollandais voudrait écrire sur tes travaux.2 Il m’a demandé d’avoir de certaines choses chez lui, entre autres les montagnes & le champ de blé. Quand je t’enverrai les reproductions de Millet3 je joindrai les articles d’Isaacson, je n’aime pas ses recherches de nouveaux mots mais au fond il parle de bonnes choses ce que la pluspart des critiques d’art ne font pas. Ta lettre m’a fait bien plaisir & je t’en remercie bien. Je sens bien que dans des moments de  1v:3 grande excitation l’entourage des bonnes soeurs ne doit pas te tranquiliser.4
Le Dr Peyron est venu me voir & celui là me semble bien disposé pour toi. J’aime bien sa phisionomie. Voiçi ce qu’il m’a dit. Il ne te considère pas du tout comme fou & dit que les crises que tu as eu sont de nature épileptique. Pour le moment il dit que tu es absolument sain & s’il n’y avait pas si peu de temps que tu ais eu une crise il t’aurait déjà encouragé à sortir plus souvent de l’établissement. Il me dit que ton voyage à Arles5 ayant provoqué une crise il faudrait voir avant de changer de demeure si tu peux maintenant supporter un changement.  1r:4 Si tu supportes bien ces épreuves il n’y voit pas d’inconvenient que tu le quittes.
Maintenant j’ai vu Pissarro & je lui ai parlé de l’affaire. Je crois que lui n’a pas grande chose à dire à la maison où sa femme porte la culotte. Après quelques jours il m’a dit que chez lui ce n’était pas possible mais qu’il connait quelcun à Auvers, qui est médecin & fait de la peinture dans ses moments perdus. Il me dit que c’est un homme qui a été en rapport avec tous les impressionistes.6 Il croit que chez celui là tu pourrais probablement rester.a Il doit aller le voir & lui parlera de l’affaire.7 Si tu pouvais trouver dans ces environs-là, ce serait une bonne chose car je crois que la Bretagne a aussi ce caractère de cloitre et même dans les derniers Gauguin cela se ressent beaucoup, je trouve.8 Demain Bernard doit venir voir tes tableaux et j’irai chez lui voir ce qu’il a rapporté.9
Je suis content en somme que tu vas mieux, si ton changement de domicile t’ammenait d’abord à Paris cela me ferait bien plaisir.
Nous avons de bonnes nouvelles de la mère & de Wil. Jo va bien aussi & te dit bien bonjour. Bonne poignée de mains.

Theo

top