1r:1
1Paris le 16 Mars 1889

2Mon cher frère,
3J’apprends, que tu
4n’es pas encore mieux1 ce qui
5me cause bien du chagrin. Je
6voudrais tant, que tu puisses
7me dire comment tu te sents
8car rien n’est pénible que l’incertitude
9et si tu me dirais comment cela
10va je pourrai plustôt faire quelque  1v:2
11chose pour te soulager. Tu as tant
12fait pour moi que je suis navré
13de savoir que maintenant que
14j’aurai probablement des jours
15de bonheur avec ma chère Jo
16tu auras justement de bien
17mauvais jours. Elle s’était faite
18une illusion, que puisqu’elle veut
19autant que possible vivre de ma
20vie, tu eusses été pour elle un
21frère comme tu l’as toujours été
22pour moi. Nous espérons du fond de
23notre coeur que tu puisses revenir
24à une bonne santé et que tu pourras
25reprendre bientôt tes travaux_
 1v:3
26En arrangeant mon nouvel appartement
27je revois avec tant de plaisir tes
28tableaux_ Ils rendent les pièces
29si gais et il y a un tel accent
30de vérité, de vraie campagne dans
31chacun. C’est bien comme tu disais
32quelquefois de certains tableaux d’autres
33artistes/ qu’ils ont l’air de venir
34comme cela directement des
35champs. S’il n’était pas si loin
36je serais certainement venu te
37voir, mais le temps me manque &
38je me demandes si ma visite
39pourrait t’être utile à quelque
40chose. D’içi quelque temps Signac  1r:4
41doit aller dans le midi. Il ira
42te voir.2 J’ai en ce moment chez
43moi une exposition de Claude
44Monet, qui a beaucoup de
45succès.3 D’içi quelque temps
46pour sûr le public voudra des
47tableaux de la nouvelle école
48car ils travaillent bien l’esprit
49public. Si tu pouvais tu serais
50bien gentil de me donner ou de
51me faire donner de tes nouvelles
52car à part les lettres de Mrs Rey &
53Salles4 je ne sais rien de toi.
54Je te souhaite meilleur santé & je
55reste ton frère qui t’aime_

56Theo.


top