1r:1
Mon cher Theo,
le 1er Septembre j’aurai mon loyer à payer et si tu pouvais m’envoyer la semaine le meme jour où toimeme tu toucheras ton mois, d’abord je payerais le loyer le jour même, ensuite la dépense porterait pour moi sur les deux semaines. Enfin s’il y avait moyen que tu m’enverrais l’argent le dimanche par ta lettre ou par mandat telegraphique il ne me serait pas indifferent de gagner ainsi un jour.
J’ai deux modèles cette semaine, une arlesienne et le vieux paysan que cette fois ci je fais contre un fond orangé vif, qui quoiqu’il n’aie pas la prétention de représenter le trompe l’oeil d’un couchant rouge, en est peut-être tout de même une suggestion.1 Malheureusement je crains que la petite arlésienne me posera un lapin pour le reste du tableau.2 Candidement elle avait demandé l’argent que je lui avais promis pour toute les poses d’avance la dernière fois qu’elle était venue et comme je ne faisais à cela aucune difficulté elle a filé sans que je l’aie revue.  1v:2 Enfin un jour ou un autre elle me doit de revenir et ce serait un peu fort si elle manquait tout à fait.
Egalement j’ai un bouquet en train et aussi une nature morte d’une paire de vieux souliers.3
J’ai un tas d’idées pour mon travail et en continuant la figure très assidument je trouverais possiblement du neuf.– Mais que veux tu, parfois je me sens trop faible contre les circonstances données et il faudrait être et plus sage et plus riche et plus jeune pour vaincre. Heureusement pour moi je ne tiens plus aucunément à une victoire et dans la peinture je ne cherche que le moyen de me tirer de la vie.
J’ai toujours aucune réponse de Russell. il ne doit pas avoir le sou actuellement.4
 1v:3
J’espère bien que la soeur aura maintenant encore vu le Luxembourg.
Nous avons eu deux ou trois jours superbes ici, tres chaudes sans vent. Le raisin commence à mûrir mais on entend dire qu’il sera pas bon.
Je dois encore travailler aujourd’hui – à cause des modèles je redoute un peu ces derniers jours de la semaine. Je suis en pourparler encore avec d’autres personnes pour la pose, il y a quelque chôse qui me presse de faire des études de figure toujours le plus possible.
Les circonstances dans la suite pourraient bien encore s’aggraver et enfin quoi qu’il en soit, une fois que je tiens la figure le travail me semblera plus grave.
Poignée de main à toi et à la soeur.

t. à t.
Vincent

les contrariétés avec les modèles continuent tout de même, avec la tenacité du mistral d’ici cela ne m’egaie pas.

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