1r:1
1Mon cher Theo
1*Bien merci de ta lettre qui m’a
2fait bien plaisir/ arrivant tout juste au moment
3où j’étais encore abruti par le soleil et la
4tension de mener une assez grande toile_1
5J’ai un nouveau dessin d’un jardin plein
6de fleurs, j’en ai également deux etudes
7peintes_2
8Je dois t’envoyer une nouvelle commande
9de toile et de couleurs assez importante_
10Seulement elle n’est point pressée_
11Ce qu’à la rigueur serait pressé serait plutôt
12la toile vu que j’ai un tas de chassis
13dont j’ai détaché les études et où entre temps
14je dois remettre d’autres toiles.3

[sketch A]
 1v:2
15Tu verras par ce croquis le motif des nouvelles etudes/
16il y en a une en hauteur et une en largeur du
17même motif – des toiles de 30.4 Il y a bien un motif de
18tableau là-dedans – comme dans d’autres etudes que j’ai_
19Et vraiment je ne sais point si jamais je ferai
20des tableaux calmes et tranquillement travaillés
21moi/ puisqu’il me semble que cela restera toujours décousu_
22As tu des nouvelles de Gauguin/ moi je lui ai encore
23ecrit la semaine derniere pour savoir
24comment allait sa santé et son travail.
25Pas de reponse de Russell qui ne doit
26pas être à Paris à ce que raccontait Mc Knight
27qui est revenu avec Bock. toujours silence
28glacé pour le travail quant ils viennent.
29Ce que tu dis de Prinsenhage/ c’est vrai
30que c’est encore une fois la même
31histoire – mais lorsqu’à la fin des fins
32le bonhomme n’y sera plus alors pour
33son petit cercle ce sera un vide et
34une désolation de plus.5
35Et meme nous autres le sentirions
36car il y a quelque chôse de navrant
37dans ce qu’etant plus jeunes on l’a
38tant vu et on a même été influencé
39par lui.
 1v:3
40Alors de voir quelqu’un qu’on a connu très
41remuant reduit à un tel état d’impuissance
42soupçonneuse et de souffrance continuelle/
43cela ne donne certes pas une idée engageante
44et gaie de la vie humaine et n’augmente
45pas la joie de vivre_ La mère à Breda
46doit se faire bien vieille elle aussi_
47Involontairement – est ce l’effet de la
48nature si Ruysdaelesque d’ici – je pense
49assez souvent à la Hollande et à travers
50le double éloignement de la distance
51et du temps écoulé ces souvenirs ont un
52certain navrant.–
53Ce que tu écris de Reid n’est pas bien gai non
54plus – il parlait tellement à des moments de se faire
55peintre et de se retirer auprès d’une tante à la
56campagne que c’est juste possible qu’il soit en
57train d’executer ce projet-là.6 Qu’est ce que
58dit Maria/ mais peutêtre a-t-elle également
59disparue.7
60Je crois tout de même que le
61vent continuel d’ici doit y être pour
62quelque chôse dans ce que les études peintes
63ont cet air hagard. Puisque chez Cezanne
64on voit cela aussi_
 1r:4
65Ce qui doit faciliter au Japonais de fourrer
66leurs oeuvres d’art dans des tiroirs et des
67placards c’est que l’on peut rouler les
68kakemonos et non pas nos études peintes/
69qui finiraient par s’écailler_8
70Rien ne faciliterait davantage chez
71nous l’emplacement des toiles que de les faire
72accepter generalement comme ornements
73des habitations bourgeoises. Comme
74anciennement en Hollande.
75Ainsi ici dans le midi cela ferait rudement
76bien de voir des tableaux sur les murs blancs_
77Mais allez y voir/ partout des grands
78medaillons Julien9 colorés/ des horreurs.
79Et helas/ nous n’y changerons rien à
80cet état de choses.
81Pourtant – les cafés – peutêtre plus
82tard on les decorera.
83à bientot/ poignee de main_

84t_ à t_
85Vincent


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