1r:1
Mon cher Theo.
je t’écris encore une fois aujourd’hui parceque ayant voulu régler mon compte à l’hotêl où je reste,a j’ai une fois de plus pu constater que j’y étais carrotté. Je leur ai proposé de s’arranger, ils n’ont pas voulu, alors lorsque je voulais prendre mes effets ils s’y sont opposés.
C’est fort bien mais alors je leur ai dit qu’on expliquerait cela chez le juge de paix – où peutêtre on me donnera tort.–1
Seulement voila que je dois garder assez d’argent pour payer en cas qu’on me donnerait tort f. 67.40 au lieu de 40 fr. que je leur dois. Et voilà que donc je n’ose acheter mon matelas  1v:2 et que je dois aller coucher encore dans un autre hôtel.2
Je voulais donc te demander de me mettre en état d’acheter mon matelas tout de même.
Ce qui ici me rend souvent triste c’est que c’est plus cher que je n’avais calculé. et que je n’arrive pas à me débrouiller aux mêmes frais que ceux qui sont allés en Bretagne, Bernard et Gauguin.
Maintenant puisque je vais mieux je ne me tiens tout de même pas pour battu, et d’ailleurs si j’avais eu ma santé que j’espère rattrapper ici, cela et bien d’autres choses ne m’arriveraient pas.–
La caisse serait déjà partie si c’était pas que toute la journée j’ai eu des tracas.
 1v:3
Je me dis que tu n’as encore rien recu de mon travail et que j’ai déjà tant dépensé d’argent. Maintenant dans la caisse je t’envoie toutes les études que j’ai à l’exception de quelques unes que j’ai détruites,3 mais je ne les signe pas toutes et il y en a une douzaine que j’ai ôté des chassis et il y en a 14 sur chassis.4
il y a un petit paysage avec une masure blanche rouge verte et un cyprès à côté – cela tu en as le dessin et je l’ai peint chez moi entièrement.5 Cela te prouverait que de tous ces dessins je pourrais, si cela t’allait, faire de ces petits tableaux comme des crepons. Enfin nous en causerons après que tu auras vu.
Pour le moment c’est embêtant qu’ainsi je suis un peu forcé de prendre la mesure de resterb à l’atelier mais dans la suite il en résultera plus de tranquilité pour travailler.  1r:4 Enfin les premières etudes parties je commence une nouvelle serie.
Je t’avais expliqué toute cette affaire dans les lettres qui sont encore à Paris.6
C’etait mon intention de rester chez ces gens pourtant jusqu’à que je fusse prêt. Enfin ça ne fait rien.
Je veux chercher à faire partir ma caisse encore aujourd’hui.
J’espère que tu écriras bientôt.

t. à t.
Vincent

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