1r:1
1Amice Rappard,
2Ziehier nog eenigen der gedichten van Jules Breton/
3als gij ze niet hebt weet ik zeker ze U bijzonder treffen
4zullen. Vandaag/ of liever sedert een paar dagen heb ik een studie geschilderd van
5het weefgetouw waar ge de teekening van hebt_1 Ben
6ook zoekende naar de kleur van den wintertuin_
7Doch die is reeds een lente tuin – nu_– En
8is iets heel anders geworden_2

[sketch A]
9Gegroet_

10b. à t_
11Vincent

12Seule3

13Les chaumes de velours, sous une poudre d’or
14Bordés d’un trait de feu, nagent dans l’ombre grise
15Par délà les toits noirs que sa lumière frise
16S’incline radieux l’astre de messidor_

17Immense gerbe, il tombe épanchant son trésor
18Et le zenith bleu verse une lumière exquise
19Sur la route où – parmi les senteurs de la brise
20Chante et bondit la ronde au tournoyant essor_

21Dans la poussière ardente et les rayons de flammes,
22Joyeusement, les mains aux mains, dansent les femmes.
23'Mais la plus bèlle rêve, assise un peu plus loin;

24Elle est là – Seule – et mord sa lèvre maladive,
25Et telle qu’on verrait dans un champ de sainfoin
26Se crisper et languir la pâle sensitive_

 1v:2
27Le chant du soir4

28Quand le nuage
29Surnage
30Laissant flotter des lambeaux d’or
31Qu’ouvrant sa gerbe
32Superbe
33Le soleil verse son tresor;

34Pauvres glaneuses
35Faneuses
36Une riche gloire de feu
37Vibre et caresse
38la tresse
40Ondoyante de vos cheveux_

41Le rayon rose
42Arrose
43Vos vieux haillons trainant leurs fils
44Glisse – flamboie
45et noie
46dans la flamme vos beaux profils_

47Puis le mystère
48Austère
49Tombe et se répand lentement;
50Au crépuscule
51Circule
52La saine odeur du froment_

53Le massif d’ormes
54Enormes
55Brunit ses rameaux emmêlés
56Et d’un trait ferme
57La ferme
58S’accuse au sein vague des blés_

59Le feu fait trêve
60Le rêve
61Se mêle aux effluves du soir;
62Le tout s’embrume
63Et fume
64Ainsi qu’un immense encensoir_

65Le troupeau grêle
66Qui bêle
67S’achemine vers le repos;
68Tandis que chante
69Touchante
70La douce flûte des crapauds.

71Puis monotone
72Résonne
73Tout au loin la cloche à la tour
74Et sa volée
75Ailée
76S’élève et décroît alentour_

77La note tinte
78Eteinte
79Plus pure qu’aux bois lorsqu’encor,
80Dans l’ecarlate
81Eclate
82Au soir le son vibrant du cor.

83Aux hautes cimes
84Sublimes
85Combien je préfère ce lieu,
86Cette humble plaine
87Si pleine
88'De l’immense bonté de Dieu!

 1v:3
89Nu krijgt ge nog een klein standje –
90en wel dit – toen ik bij U was dezen
91winter,5 waart gij tegen
92“enthousiasme” – ik bedoel/ zeidet iets
93dat Jaap Maris zeide dat enthousiasme
94‘’k weet niet wat was – ’t geen hij/ n.l. Jaap/
95goddank zelf niet precies in toepassing heeft
96'gebragt in zijn leven –
96aal moge hij zoo iets gezegd hebben slaande op een of ander
96bspeciaal geval –
97hebbende hij in
98alle omstandigheden doorgeschilderd_
99Dan moesten de vogels ook maar
100niet zingen en schilders niet schilderen
101als zij behoorden na te denken of ze niet
102te vurig waren_
103Lees nu Les Cigales – en –
104’k zal er maar niets meer bij zeggen_

 2r:4
105L’aube – (à Corot)6

106Je suivais un sentier, à l’aube, dans les blés,
107Etroit, où l’on se mouille aux gouttes qui s’épanchent
108En frôlant les épis alourdis qui se penchent;
109Et j’errais évoquant mes rêves envolés.

110Ah! qui n’a pas perdu des rameaux étoilés
111Comme les saules gris, que les hommes ébranchent
112Qui font un bruit si doux quand leurs larmes étanchent
113La soif des liserons à leurs pieds enroulés!

114Et je sentais mon coeur, d’où je chassais la prose
115S’attendrir au rayon discret, pâle & changeant
116Comme un arbre souffrant et que la pluie arrose.

117Et voilà que/ joyeuse – éclate au ciel d’argent
118L’alouette qui voit, des brumes émergeant
119A l’orient monter le premier flocon rose_

 2v:5
129Automne (à Jules Dupré)7

130La rivière s’écoule avec lenteur. Ses eaux
131Murmurent, près du bord, aux souches des vieux aulnes
132Qui se teignent de sang; de hauts peupliers jaunes
133Sèment leurs feuilles d’or parmi les blonds roseaux.

134Le vent leger/ qui croise en mobiles réseaux
135Ses rides d’argent clair, laisse de sombres zones
136Où les arbres plongeant leurs dômes et leurs cônes
137Tremblent, comme agités par des miliers d’oiseaux.

138Par instants se répète un cri grêle de grive,
139Et, lancé brusquement des herbes de la rive,
140Etincelle un joyau dans l’air subtil et bleu;

141Un chant aigu prolonge une note stridente;
142C’est le martin-pêcheur qui fuit d’une aile ardente
143Dans un furtif rayon d’éméraude et de feu.

 2v:6
155Soleil couchant (à Emile Breton)8

156Des vapeurs aux remous infinis – mer de brume
157Où les coteaux voilés ondulent – larges flots
158Les villages, perdus comme de noirs îlots,
159Emergent, enfonçant leurs pieds bruns dans l’écume.

160Tandis que tout se tait, s’agrandit, nage et fume,
161Qu’au fond des ravins, seuls, tintent de lents grelots,
162Que de rares lueurs, ainsi que des falots
163Palpitent, le ciel vibre et tout entier s’allume.

164Notre globe muet, sous le dôme vermeil
165Prie et rêve ébloui par la magnificence
166De l’astre fécondant que le nuage encense;

167Et dans ce grand respect, pris d’un divin sommeil
168Orbe rouge au milieu de l’aureole immense
169Gravement/ lentement se couche le soleil.

 2r:7
181Yvonne9

182Je regardais souvent, le coude à la fenêtre
183Les filles revenir de la source à midi.
184Yvonne apparaisait, et son geste hardi,
185Son haut galbe de loin la faisait reconnaître.

186C’était pour le regard une fête, parbleu!
187Que de la suivre alors, si droite sous sa cruche,
188Quand/ relevant sa coiffe en huppe de perruche,
189Le vent faisait flotter son souple jupon bleu.

190Avec quelle beauté, laissant son humble châle
191Tomber en nobles plis que la brise inclinait
192Elle étendait le bras, en l’air, et retenait
193Son amphore de grès rouge sur son front pâle!

194Que ses traits étaient purs! Je ne sais quoi d’amer
195Et de charmant errait sur sa lèvre sauvage;
196Et comme elle était bien la fille du rivage,
197Forte et comme trempée aux souffles de la mer!

198Par la rue aux rumeurs banales et narquoises,
199Où quelques maigres chiens, craintifs, se font la cour,
200Parmi de vils ramas poussés de mainte cour
201Au ruisseaux où le ciel reflète ses turquoises,

202De la ville rasant les murs gris ou crayeux,
203Je crois la voir encore, une main sur la hanche
204Sans que de l’urne pleine une goutte s’épanche
205Grande et grave passer sans détourner les yeux.

120Les cigales10

121Lorsque dans l’herbe mûre aucun épi ne bouge
122Qu’à l’ardeur des rayons crépite le froment,
123Que le coquelicot tombe languissamment
124'Sous le faible fardeau de sa corolle rouge;

125Tous les oiseaux de l’air ont fait taire leurs chants;
126Les ramiers paresseux, au plus noir des ramures,
127Somnolents, dans les bois, ont cessé leurs murmures
128Loin du soleil muet incendiant les champs.

145Dans les blés/ cependant – d’intrepides cigales
146Jettent leurs mille bruits, fanfare de l’été
147Ont frénétiquement et sans trêve agité
148Leurs ailes sur l’airain de leurs folles cymbales.

149Frémissantes, debout sur les longs épis d’or
150Virtuoses qui vont s’éteindre avant l’automne,
151Elles poussaient au ciel leur hymne monotone
152Qui dans l’ombre des nuits retentissait encor_

153Et rien n’arrêtera leurs cris intarissables
154Quand on les chassera des avoines et des blés_
171Elles emigreront sur les buissons brûlés
172Qui se meurent de soif dans les déserts de sables.

173Sur l’arbuste effeuillé, sur les chardons flétris
174Qui laissent s’envoler leur blanche chevelure
175On reverra l’insecte à la forte encolure
176'Plein d’ivresse – toujours s’exalter dans ses cris;

177Jusqu’à ce qu’ouvrant l’aile en lambeaux arrachée
178Exaspéré, brûlant d’un feu toujours plus pur
179Son oeil de bronze fixe et tendu vers l’azur
180Il expire en chantant sur la tige séchée_

 3r:8
206Le soir – (à Louis Cabat)11

207C’est un humble fossé perdu sous le feuillage;
208Les aunes du bosquet le couvrent à demi;
209L’insecte, en l’effleurant, trace un leger sillage
210Et s’en vient seul rayer le miroir endormi_

211Le soir tombe, et c’est l’heure où se fait le miracle,
212Transfiguration qui change tout en or;
213Aux yeux charmés tout offre un ravissant spectacle;
214Le modeste fossé brille plus qu’un trésor_

215Le ciel éblouissant, tamisé par les branches
216A plongé dans l’eau noire un lumineux rayon;
217Tombant de tous côtés, des étincelles blanches
218Entourent un foyer d’or pâle en fusion.

219Aux bords tout est mystère et douceur infinie.
220On y voit s’assoupir quelques fleurs aux tons froids
221Et les reflets confus de verdure brunie
222Et d’arbres violets qui descendent tout droits.

223Dans la lumière, au loin, des touffes d’émeraude
224Vous laissent deviner la ligne des champs blonds
225Et le ciel enflammé d’une teinte si chaude
226Et le soleil tombé qui tremble dans les joncs_

227Et dans mon âme emue – alors quand je compare
228L’humilité du site à sa sublimité
229un délire sacré de mon esprit s’empare
230Et j’entrevois la main de la divinité_

231Ce n’est rien – et c’est tout. En créant la nature
232Dieu répandit partout la splendeur de l’effet;
233Aux petits des oiseaux s’il donne la pâture
234Il prodigue le beau – ce suprême bienfait_

235Ce n’est rien – et c’est tout. En le voyant j’oublie,
236Pauvre petit fossé qui me troubles si fort,
237Mes angoisses de coeur – mes rêves d’Italie
238Et je me sens meilleur – et je benis le sort.

 3v:9
239Les deux croix12

240On voit, sur une route au pays de Pontcroix,
241En plein ciel, toute neuve, une pompeuse croix
242Où resplendit un Christ badigeonné de rose.
243Deux ou trois pas plus loin, se tord, navrante chose,
244Piteux et relégué sous les buissons d’un mur,
245Laissant saillir de l’ombre un horrible fémur,
246Penchant affreusement sa tête mutilée
247Au milieu de l’ortie à la ronce mêlée
248Oublié, l’ancien Christ informe et sans couleur.
249Et l’éternel Souffrant, qui calme la douleur,
250Rappelle, en cet état, les âpres agonies
251De tant de nobles coeurs jetés aux gémonies;
252Et le lépreux qui fuit le jour injurieux,
253Le mendiant lui-même en detourne les yeux;
254Et le poète l’aime.... et la foule qui passe
255N’a de regards que pour celui qui dans l’espace
256Etend ses bras en croix dans une gloire d’or.
257Au crucifié même il faut un beau decor;
258A celui-ci l’encens, les voeux et la prière;
259L’autre – dans les cailloux, n’est qu’une vaine pierre.
260Et cependant quel coeur ne serait pas touché!
261Un trou s’ouvrait au mur, et le Christ l’a bouché!
262Et l’égout du chemin, de sa fétide haleine
263Baigne ses pieds aimés qu’arrosa Madeleine.
264Toi dont le crime fut de répandre l’amour,
265Lorsque – pour t’en punir, Ponce et Caïphe, un jour,
266Sur ta tête eurent mis la couronne d’épines,
267o Christ! qu’un paysan de ses mains enfantines,
268D’un barbare ciseau par l’amour ennobli,
269Tailla dans ce bloc dur; croyais-tu que l’oubli
270Oserait te jeter dans un trou de muraille,
271Et qu’outrage dernier, l’insultante broussaille
272Mêlerait sur ton front, qui saigne et qui bénit,
273L’épine de la ronce à celle du granit?

 4v:10
274Crépuscule (à Charles Daubigny)13

275L’anémone et la renoncule
276Ont fermé leurs fleurs de satin
277Voici le soir; le crépuscule
278Idéalise le jardin.–

279Tout sommeille – même la brise
280Dans l’enivrement des parfums
281Et la couleur devient exquise
282Dans la puissance des tons bruns_

283Quand la nature se repose
284Lasse de jour et de splendeur
285Elle ouvre son âme et la rose
286Dormant dans l’ombre a plus d’odeur_

287Ainsi notre âme se reveille,
288Lorsque nos sens sont assouvis
289Que des vains bruits frappant l’oreille
290Nous ne sommes plus poursuivis_

291Le Dieu devient discret et voile
292Les inutiles ornements;
293Tout s’agrandit voici l’étoile
294Le ciel s’emplit de diamants_

295La lumière pâle et diffuse
296Baigne d’un charme tous les corps
297Et la silhouette s’accuse
298Par un fil doré sur les bords.

299Le mystère à chassé la prose;
300Tout nage dans l’air savoureux
301Et les lueurs d’apothéose
302Emanent des fronts amoureux_

303Et quelle fraicheur ineffable
304D’amethyste et de gris perlé,
305Le zénith verse sur le sable,
306A côté du gazon brûlé_

307Un rayon court dans l’ombre grise
308Plonge et meurt dans les profondeurs,
309Faisant encore, lorsqu’il se brise
310Rejaillir de vives ardeurs_

311Et les fleurs chuchotent discrètes
312Dans l’insaisissable flottant,
313Dressant quelques rouges aigrettes,
314Dernier effort du feu luttant_

315Sur les buissons les éméraudes
316Ont une sourde intensité
317Les fonds sont bruns; des vapeurs chaudes
318Se traînent dans l’immensité.

319Par dela les touffes d’érables
320Au ciel d’opale et d’or bruni
321Plein d’une tendresse adorable
322Palpite et tremble l’infini_

323oh ferme ta fleur renoncule
324Amante du grand jour qui luit
325Pour ne pas voir au crepuscule
326Le jour s’accoupler à la nuit_

327Dans la plaine14

328A moi les champs, à moi les blés
329A moi les coteaux qui s’embrument
330Les faucheuses aux fronts hâlés
331Le soir près des feux qu’ils allument!

332A moi l’incendescant sillon
333Où midi brule le grillon,
334A moi, tandis que l’oiseau chante
335Dans des flots verts, le vermillon
336Du pavot à la fleur penchante_

337A moi – loin de vos coeurs oisifs
338Pédants – à moi la plaine immense
339Quand, la mordant, des feux lascifs
340La font ondoyer en demence_

 4r:11
341Le retour des champs (à François Millet)15

342C’est l’heure indécise où l’étoile
343Pâle encor dans la pâle nuit,
344Apparaît, scintille, se voile
345Et fatigue l’oeil qui la suit_

346Entre les blés et la luzerne
347Bordé par les chardons poudreux
348Le chemin fauve se discerne
349Encor dans les champs plantureux_

350Le zénith couleur d’améthyste
351Le caresse de son reflet
352Inexprimable, que l’artiste
353Ne peut qu’appeler violet_

354Par la glèbe plane ou penchante
355Perdant, retrouvant ses sillons,
356Il serpente dans l’herbe où chante
357La note grêle des grillons.

358Par les talus que le soir dore
359Il va sous la clarté des cieux
360Ou tinte la cloche sonore
361Au village silencieux.

362Sous le crepuscule et le hâle
363Le paysan deux fois bruni,
364Baignant son front dans le ciel pâle
365S’en revient – le travail fini_

366Il porte la faux ou la bêche
367A l’épaule; il va lentement,
368Humectant sa poitrine sèche
369De brume et d’odeur de froment_

370Il va lentement, à son aise
371D’un pas tranquille en sa lourdeur;
372Et l’occident, sourde fournaise
373Le bronze d’une sombre ardeur.

374Sous le toit noir de sa chaumière
375Où fume un vague ruban bleu,
376Brille un point de rouge lumière
377La soupe chante sur le feu_

378Sa compagne est robuste et sûre
379Et les enfants sont bien portants
380L’age vient: que peut sa morsure
381Près de l’enfance – gai printemps?

382Tel il marche par habitude
383Tel il ira jusqu’au tombeau:
384Content si par son labeur rude,
385Les blés sont lourds et l’orge beau_


23 loin; < loin Corresponding to the original text.
88 Dieu! < Dieu Corresponding to the original text.
96 b geval – < geval
124 rouge; < rouge Corresponding to the original text.
176 cris; < cris Corresponding to the original text.
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