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155 To Theo van Gogh. Cuesmes, between about Tuesday, 22 and Thursday, 24 June 1880.

metadata
No. 155 (Brieven 1990 154, Complete Letters 133)
From: Vincent van Gogh
To: Theo van Gogh
Date: Cuesmes, between about Tuesday, 22 and Thursday, 24 June 1880

Source status
Original manuscript

Location
Amsterdam, Van Gogh Museum, inv. nos. b153 a-b V/1962

Date
On 25 June 1880, Theo wrote to his parents, saying that he had received a letter from Vincent. Their reaction to what Theo told them reveals that the letter in question must be the present one, which must therefore have been written several days previously (FR b2494 and b2495, Mr and Mrs van Gogh to Theo, 5 July 1880).

Additional
This is the first letter that Van Gogh wrote in French. It is followed by seven more letters in French, dating from his Belgian period. Vincent writes more and more frequently in French from letter 567 onwards.
An analysis of the structure of this letter appears in Pollock 1980, pp. 624-630; cf. also Pollock and Orton 1978, pp. 7-10, and exhib. cat. Amsterdam 1980, pp. 21-27.

original text
 1r:1
Mon cher Theo,
C’est un peu à contrecoeur que je t’écris, ne l’ayant pas fait depuis si longtemps1 et cela pour mainte raison. Jusqu’à un certain point tu es devenu pour moi un étranger et moi aussi je le suis pour toi, peutêtre plus que tu ne penses, peutêtre vaudrait il mieux pour nous ne pas continuer ainsi.
Il est possible que je ne t’aurais pas même écrit maintenant si ce n’était que je suis dans l’obligations, dans la nécessité de t’écrire. Si, dis je, toi-même, tu ne m’eusses pas mis dans cette nécessité-là. J’ai appris à Etten2 que tu avais envoyé cinquante francs pour moi, hé bien, je les ai acceptées.3 Certainement à contre coeur, certainement avec un sentiment assez mélancolique mais je suis dans un espèce de cul-de-sac ou de gâchis, comment faire autrement.
Et c’est donc pour t’en remercier que je t’écris.
Je suis comme tu le sais peut-être de retour dans le Borinage, mon pere me parlait de rester plutôt dans le voisinage d’Etten, j’ai dit non et je crois avoir agi ainsi pour le mieux. Involontairement je suis devenu plus ou moins dans la famille un espèce de personnage impossible et suspect, quoi qu’il en soit quelqu’un qui n’a pas la confiance, en quoi donc pourrais-je en aucune manière être utile à qui que ce soit.
C’est pourquoi qu’avant tout, je suis porté à le croire, c’est avantageux et le meilleur parti à prendre et le plus raisonnable que je m’en aille et me tienne à distance convenable, que je sois comme n’étant pas. Ce qu’est la mue pour les oiseaux,4 le temps où ils changent de plumage, cela c’est l’adversité ou le malheur, les temps difficiles5 pour nous autres êtres humains. On peut y rester dans ce temp de mue, on peut aussi en sortir comme renouvelé, mais toutefois cela ne se fait pas en public, c’est guère amusant, c’est pas gai donc il s’agit de s’éclipser. Bon, soit. Maintenant, quoique cela soit chose d’une difficulté plus ou moins déséspérante de regagner la confiance d’une famille toute entière, peutêtre pas entièrement dépourvue de préjugés et autres qualités pareillement honorables et fashionables, toutefois je ne désespère pas tout à fait que peu à peu, lentement & surement, l’entente cordiale soit retablie avec un tel et un tel autre.
Aussi est-il qu’en premier lieu je voudrais bien voir que cette entente cordiale, pour ne pas dire davantage, soit retablie entre mon père et moi et puis j’y tiendrais également beaucoup qu’elle se retablisse entre nous deux. Entente cordiale vaut infiniment mieux que malentendu.
Je dois maintenant t’ennuyer avec certaines choses abstraites, pourtant je voudrais bien que tu les entendes avec patience.
Moi je suis un homme à passions, capable de et sujet à faire des choses plus ou moins insensées dont il m’arrive de me repentir plus ou moins. Il m’arrive bien de parler ou d’agir un peu trop vite lorsqu’il vaudrait mieux attendre avec plus de patience. Je pense que d’autres personnes peuvent aussi quelquefois faire pareilles imprudences. Maintenant cela étant, que faut il faire, doit on se considérer comme un homme dangereux et incapable de quoi que ce soit. Je ne le pense pas. Mais il s’agit de tâcher par tout moyen de tirer de ces passions même un bon parti. Par exemple pour nommer une passion entre autres, j’ai une passion plus ou moins irrésistible pour les livres et j’ai le besoin de m’instruire continuellement, d’étudier si vous voulez, tout juste comme j’ai besoin de manger mon pain. Toi tu pourras comprendre cela. Lorsque j’etais dans un autre entourage, dans un entourage de tableaux et de choses d’art, tu sais bien que j’ai alors pris pour cet entourage-là une violente passion qui allait jusqu’à l’enthousiasme.6 Et je ne m’en repens pas, et maintenant encore loin du pays, j’ai souvent le mal du pays pour le pays des tableaux.
 1v:2
Tu te rappelles peut-être bien que j’ai bien su (et il se peut bien que je le sache encore) ce que c’etait que Rembrandt ou ce que c’était que Millet ou Jules Dupré ou Delacroix ou Millais ou M. Maris.
Bon – maintenant je n’ai plus cet entourage-là – pourtant ce quelque chose qui s’appelle âme, on prétend que cela ne meurt jamais et que cela vit toujours et cherche toujours et toujours et toujours encore.
Au lieu donc de succomber au mal du pays je me suis dit, le pays ou la patrie est partout.7 Au lieu donc de me laisser aller au désespoir j’ai pris le parti de mélancholie active pour autant que j’avais la puissance d’activité, ou en d’autres termes j’ai préféré la mélancholie qui espère et qui aspire et qui cherche à celle qui morne et stagnante désespère. J’ai donc étudié plus ou moins sérieusement les livres à ma portée tels que la Bible et la révolution Française de Michelet8 et puis l’hiver dernier Shakespeare et un peu V. Hugo et Dickens et Beecher Stowe et puis dernièrement Eschyle9 et puis plusieurs autres moins classiques, plusieurs grands petits maîtres. Tu sais bien que tel qu’on range parmi les petits? maîtres s’appelle Fabricius ou Bida.
Maintenant celui qui est absorbé en tout cela quelque fois est choquant, shocking, pour les autres et sans le vouloir pèche plus ou moins contre certaines formes et usages et convenances sociales. Pourtant c’est dommage quand on prend cela de mauvaise part. Par exemple tu sais bien que souvent j’ai negligé ma toilette, cela je l’admets et j’admets que cela est shocking. Mais voici, le gêne et la misère y sont pour quelque chose et puis un découragement profond y est aussi pour quelque chose et puis c’est quelquefois un bon moyen pour s’assurer la solitude nécessaire pour pouvoir approfondir plus ou moins telle ou telle étude qui vous préoccupe. Une étude très nécessaire cela est la médecine, à peine est ce un homme qui ne cherche pas à en savoir tant soit peu, qui ne cherche pas à comprendre au moins de quoi il s’agit et voila je n’en sais encore rien du tout. Mais tout cela absorbe, mais tout cela préoccupe, mais tout cela vous donne à rêver, à songer, à penser.
Voilà maintenant que déjà depuis 5 ans peut-être, je ne le sais pas au juste, je suis plus ou moins sans place, errant çà et là. Vous dites maintenant, depuis telle et telle époque tu as baissé, tu t’es éteint, tu n’as rien fait. Cela est-il tout à fait vrai?
Il est vrai que j’ai tantôt gagné ma croûte de pain, tantôt tel ami me l’a donné par grâce, j’ai vécu comme j’ai pu, tant bien que mal comme cela allait, il est vrai que j’ai perdu la confiance de plusieurs, il est vrai que mes affaires pécuniaires sont dans un triste état, il est vrai que l’avenir est pas mal sombre, il est vrai que j’aurais pu mieux faire, il est vrai que tout juste pour gagner mon pain j’ai perdu du temps, il est vrai que mes études sont elles mêmes dans un état assez triste et désesperant et qu’il me manque plus, infiniment plus que je n’ai.– Mais cela s’appelle-t-il baisser et cela s’appelle-t-il ne rien faire.
Tu diras peut-être, mais pourquoi n’as tu pas continué comme on aurait voulu que tu eusses continué, par le chemin de l’université.
Je ne répondrai rien là-dessus que ceci, cela coûte trop cher et puis cet avenir-là était pas mieux que celui d’à présent sur le chemin où je suis.  1v:3 Mais dans le chemin où je suis je dois continuer, si je ne fais rien, si je n’étudie pas, si je ne cherche plus, alors je suis perdu, alors malheur à moi. Voilà comme j’envisage la chose, continuer continuer, voilà ce qui est nécessaire.
Mais quel est ton but définitif, diras-tu. ce but devient plus défini, se dessinera lentement et surement comme le croquis devient esquisse et l’esquisse tableau, à fur et à mesure qu’on travaille plus sérieusement, qu’on creuse davantage l’idée d’abord vague, la premiere pensée fugitive et passagère, à moins qu’elle devienne fixe.
Tu dois savoir qu’avec les évangelistes cela est comme avec les artistes. Il y a une vieille école académique souvent exécrable, tyrannique, l’abomination de la désolation10 enfin – des hommes ayant comme une armure, une cuirasse d’acier de préjugés et de conventions. Ceux-là, quand ils sont à la tête des affaires, disposent des places et par système de circumlocution11 cherchent à maintenir leur protégés et à en exclure l’homme naturel.
Leur Dieu c’est comme le Dieu de l’ivrogne Falstaff de Shakespeare “le dedans d’une église”, “the inside of a church”;12 d en vérité certains messieurs évangeliques??? se trouvent par étrange rencontre (peut être seraient ils eux mêmes, s’ils étaient capable d’émotion humaine, un peu surpris) se trouvent plantés au même point de vue que l’ivrogne type en fait de choses spirituelles. Mais il est peu à craindre que jamais leur aveuglement se change en clairvoyance là-dessus.13
Cet état de choses a son mauvais côté pour celui qui n’est pas d’accord avec tout cela et qui de toute son âme et de tout son coeur et avec toute l’indignation dont il est capable proteste là contre.
Pour moi je respecte les académiciens qui ne sont pas comme ces academiciens-là, mais les respectables sont plus clairsemés qu’on ne croirait à première vue. Maintenant une des causes pourquoi maintenant je suis hors de place, pourquoi pendant des années j’ai été hors de place, cela est tout bonnement parceque j’ai d’autres idées que les messieurs qui donnent les places aux sujets qui pensent comme eux.
C’est pas une simple question de toilette comme on me l’a hypocritement reproché, c’est question plus serieuse que cela, je t’en assure.
Pourquoi je te dis tout cela – non pas pour me plaindre, non pas pour m’excuser sur ce en quoi je puis avoir plus ou moins tort, mais tout simplement pour te dire ceci: Lors de ta dernière visite l’été passé14 lorsque nous nous sommes promenés à deux près de la fosse abandonnée qu’on appelle La Sorcière,15 tu m’as rappelé qu’il y avait un temps où nous étions aussi à nous promener à deux près du vieux canal et moulin de Ryswyk,16 et alors, disais tu, nous étions d’accord sur bien des choses, mais, as-tu ajouté – depuis lors tu as bien changé, tu n’es plus le même. Hé bien, cela n’est pas tout à fait ainsi, ce qui a changé c’est qu’alors ma vie etait moins difficile et mon avenir moins sombre en apparence, mais quant-à l’intérieur, quant à ma manière de voir et de penser, cela n’a pas changé. Seulement si en effet il y aurait changement, c’est que maintenant je pense et je crois et j’aime plus sérieusement ce qu’alors aussi déjà je pensais, je croyais et j’aimais.
Ce serait donc un malentendu si tu persisterais à croire que par exemple maintenant je serais moins chaleureux pour Rembrandt ou Millet ou Delacroix ou qui ou quoi que ce soit car c’est le contraire. Seulement voyez vous, il y a plusieurs choses qu’il s’agit de croire et d’aimer, il y a du Rembrandt dans  1r:4 Shakespeare17 et du Corrège ou du Sarto en Michelet et du Delacroix dans V. Hugo, et dans Beecher Stowe il y a de l’Ary Scheffer. Et dans Bunyan il y a du M. Maris ou du Millet, une realité pour ainsi dire plus reelle que la réalité mais il faut savoir le lire, alors il y a là-dedans l’inouï et il sait dire des choses inexprimables, et puis il y a du Rembrandt dans l’Evangile ou de l’Evangile dans Rembrandt, comme on veut, cela revient plus ou moins au même, pourvu qu’on entende la chose en bon entendeur, sans vouloir la détourner en mauvais sens et si on tient compte des equivauts des comparaisons qui n’ont pas la pretention de diminuer les merites des personalités originales.
Si maintenant tu peux le pardonner à un homme d’approfondir les tableaux, admets aussi que l’amour des livres est aussi sacré que celui de Rembrandt, et même je pense que les deux se complètent.
J’aime fort le portrait d’homme par Fabricius qu’un certain jour, nous promenant aussi à deux, nous avons longtemps regardé au musée d’Harlem.18 Bon mais j’aime tout autant “Richard Cartone” de Dickens dans son Paris & Londres en 179319 et je pourrais te montrer d’autres figures etrangement saisissante dans d’autres livres encore avec ressemblance plus ou moins frappante. Et je pense que Kent, un homme dans King Lear de Shakespeare, est tout aussi noble et distingué personnage que telle figure de Th. de Keyser, quoique Kent et King Lear20 sont sensés avoir vecu longtemps auparavant. Pour ne pas en dire davantage, Mon Dieu, comme cela est-il beau. Shakespeare, qui est mysterieux comme lui, sa parole et sa manière de faire équivaut bien tel pinceau frémissant de fièvre et d’émotion. Mais il faut apprendre à lire comme on doit apprendre à voir et apprendre à vivre.21
Donc tu ne dois pas penser que je renie ceci ou cela, je suis un espece de fidèle dans mon infidélité et quoiqu’étant changé je suis le même et mon tourment n’est autre que ceci, à quoi pourrais-je être bon, ne pourrais je pas servir et être utile en quelque sorte, comment pourrais j’en savoir plus long et approfondir tel et tel sujet. Vois-tu, cela me tourmente continuellement et puis on se sent prisonnier dans le gêne, exclus de participer à telle ou telle oeuvre, et telles et telles choses nécessaires sont hors de la portée. A cause de cela on n’est pas sans mélancolie, puis on sent des vides là où pourraient être amitié et hautes et sérieuses affections et on sent le terrible découragement ronger à l’énérgie morale même et la fatalité semble pouvoir mettre barrière aux instincts d’affection, ou une marée de dégoût qui vous monte. Et puis on dit, Jusqu’à quand mon Dieu!22 Bon, que veux-tu, ce qui se passe en dedans cela paraît-il en dehors. Tel a un grand foyer dans son âme et personne n’y vient jamais se chauffer et les passants n’en aperçoivent qu’un petit peu de fumée en haut par la cheminée et puis s’en vont leur chemin. Maintenant voilà, que faire, entretenir ce foyer en dedans, avoir du sel en soi-même,23 attendre patiemment – pourtant avec combien d’impatience, attendre l’heure dis je, où quiconque voudra viendra s’y assoir, demeurera là, qu’en sais je. Que quiconque croit en Dieu attende l’heure qui viendra tôt ou târd.
Maintenant pour le moment toutes mes affaires vont mal à ce qui parait et cela a été déjà ainsi pour un temps pas tout à fait inconsidérable, et cela peut encore rester comme cela pour un avenir de plus ou moins longue durée, mais il se peut qu’après que tout a semblé aller de travers tout aille mieux ensuite. Je n’y compte pas, peut-etre cela n’arrivera-t-il pas mais en cas qu’il y vînt quelque changement pour le mieux je compterais cela comme autant de gagné, j’en serais content, je dirais, enfin! voilà pourtant, il y avait donc quelque chose.
 2r:5
Mais diras tu, pourtant, tu es un être exécrable puisque tu as des idées impossibles de religion et des scrupules de conscience puériles. Si j’en ai d’impossibles ou de puériles, puissé j’en être delivré, je ne demande pas mieux. Mais voici à peu près où j’en suis sur ce sujet. Vous trouverez dans le philosophe sous les toits de Souvestre comment un homme du peuple, un simple ouvrier, tres misérable si on veut, se représentait la patrie,24 “Tu n’as peut-être jamais pensé à ce que c’est que la patrie, reprit-il, en me posant une main sur l’épaule; c’est tout ce qui t’entoure, tout ce qui t’a élevé et nourri, tout ce que tu as aimé. Cette campagne que tu vois, ces maisons, ces arbres, ces jeunes filles qui passent là en riant, c’est la patrie! les lois qui te protègent, le pain qui paye ton travail, les paroles que tu échanges, la joie et la tristesse qui te viennent des hommes et des choses parmi lesquels tu vis, c’est la patrie! La petite chambre où tu as autrefois vu ta mère, les souvenirs qu’elle t’a laissés, la terre où elle repose, c’est la patrie! tu la vois, tu la respires partout! Figure toi, tes droits et tes devoirs, tes affections et tes besoins, tes souvenirs et ta reconnaissance, réunis tout ça sous un seul nom et ce nom sera la patrie.”

Maintenant de même est-il que tout ce qui est véritablement bon, et beau de beauté intérieure, morale, spirituelle et sublime dans les hommes et dans leurs oeuvres, je pense que cela vient de Dieu et que tout ce qu’il y a de mauvais et de méchant dans les oeuvres des hommes et dans les hommes, cela n’est pas de Dieu et Dieu ne trouve pas cela bien non plus. Mais involontairement je suis toujours porté à croire que le meilleur moyen pour connaître Dieu c’est d’aimer beaucoup.25 Aimez tel ami, telle personne, telle chose, ce que tu voudras, tu seras dans le bon chemin pour en savoir plus long après, voilà ce que je me dis. Mais il faut aimer d’une haute et d’une serieuse sympathie intime, avec volonté, avec intelligence et il faut toujours tâcher d’en savoir plus long, mieux et davantage. Cela mène à Dieu, cela mène à la foi inébranlable.
Quelqu’un, pour citer un exemple, aimera Rembrandt, mais sérieusement, il saura bien qu’il y a un Dieu celui-là, il y croira bien.
Quelqu’un approfondira l’histoire de la Révolution francaise – il ne sera pas incrédule, il verra que dans les grandes choses aussi il y a une puissance souveraine qui se manifeste.
Quelqu’un aurait assisté pour un peu de temps seulement au cours gratuit de la grande université de la misère et aurait fait attention aux choses qu’il voit de ses yeux et qu’il entend de ses oreilles26 et aurait réfléchi là-dessus, il finira aussi par croire et il en apprendrait peut être plus long qu’il ne saurait dire.
Cherchez à comprendre le dernier mot de ce que disent dans leurs chef d’oeuvre les grands artistes, les maîtres sérieux, il y aura Dieu là-dedans. tel l’a écrit ou dit dans un livre et tel dans un tableau.
Puis lisez la Bible tout bonnement et L’Evangile, c’est que cela donne à penser et beaucoup à penser et tout à penser, hé bien pensez ce beaucoup, pensez ce tout, cela relève la pensée au-dessus du niveau ordinaire malgré vous. puisque l’on sait lire, qu’on lise donc!
Maintenant, après, par moments on pourrait bien être un peu abstrait,27 un peu rêveur, il y en a qui deviennent un peu trop abstraits, un peu trop rêveurs, cela m’arrive à moi peutêtre mais c’est la faute à moi. puis après tout, qui sait, n’y avait-il de quoi, c’était pour telle ou telle raison que j’étais absorbé, préoccupé, inquiet, mais on remonte de cela. Le rêveur tombe quelquefois dans un puits mais après on dit qu’il en remonte.
 2v:6
Et l’homme abstrait, il a sa présence d’esprit aussi par moments, comme par compensation. C’est quelque fois un personnage qui a sa raison d’être pour telle et telle raison qu’on ne voit pas toujours au premier moment, ou qu’on oublie par abstraction le plus souvent involontairement. Tel qui a longtemp roulé comme ballotté sur une mer orageuse arrive enfin à destination, tel qui a semblé bon à rien et incapable à remplir aucune place, aucune fonction, finit par en trouver une, et actif et capable d’action se montre tout autre qu’il n’avait semblé au premier abord.
Je t’écris un peu au hasard ce qui me vient dans ma plume, j’en serais bien content si en quelque sorte tu pourrais voir en moi autre chose qu’un espèce de faitnéant.
Puisqu’il y a faitneant et faitnéant qui forment contraste.
Il y a celui qui est fainéant par paresse et lâcheté de caractère, par la bassesse de sa nature. tu peux si tu juges bon me prendre pour un tel.28 Puis il y a l’autre faitnéant, le faitnéant bien malgré lui, qui est rongé intérieurement par un grand désir d’action, qui ne fait rien parce qu’il est dans l’impossibilité de rien faire puisqu’il est comme en prison dans quelque chose, parcequ’il n’a pas ce qu’il lui faudrait pour être productif, parceque la fatalité des circonstances le réduit à ce point. un tel ne sait pas toujours lui-même ce qu’il pourrait faire mais il sent par instinct, pourtant je suis bon à quelque chose! Je me sens une raison d’être! Je sais que je pourrais être un tout autre homme! A quoi donc pourrais-je être utile, à quoi pourrais je servir! il y a quelque chose au dedans de moi, qu’est ce que c’est donc! Cela, est un tout autre fainéant, tu peux si tu juges bien me prendre pour un tel.
Un oiseau en cage29 au printemp sait fortement bien qu’il y a quelque chose à quoi il serait bon, il sent fortement bien qu’il y a quelque chose à faire mais il ne peut le faire, qu’est ce que c’est, il ne le se rappelle pas bien, puis il a des idees vagues et se dit “les autres font leurs nids et font leurs petits et élèvent la couvée”, puis il se cogne le crâne contre les barreaux de la cage. Et puis la cage reste là et l’oiseau est fou de douleur. “Voila un fainéant” dit un autre oiseau qui passe – celui là c’est un espèce de rentier. Pourtant le prisonnier vit et ne meurt pas, rien ne parait en dehors de ce qui se passe en dedans, il se porte bien, il est plus ou moins gai au rayon de soleil. Mais vient la saison des migrations. Accès de melancolie – mais, disent les enfants qui le soignent,e dans sa cage il a pourtant tout ce qu’il lui faut – mais lui de regarder au dehors le ciel gonflé chargé d’orage et de sentir la révolte contre la fatalité en dedans de soi. Je suis en cage, je suis en cage et il ne me manque donc rien, imbéciles! j’ai tout ce qu’il me faut moi!30 Ah de grâce, la liberté, être un oiseau comme les autres oiseaux!
 2v:7
Tel homme faitnéant ressemble à tel oiseau fainéant.
Et les hommes sont souvent dans l’impossibilité de rien faire, prisonniers dans je ne sais quelle cage horrible horrible, tres horrible. Il y a aussi, je le sais, la délivrance, la délivrance tardive. Une reputation gâtée à tort ou à raison, le gêne, la fatalité des circonstance, le malheur, cela fait des prisonniers.
On ne saurait toujours dire ce que c’est qui enferme, ce qui mure, ce qui semble enterrer, mais on sent pourtant je ne sais quelles barres, je ne sais quelles grilles – des murs.
Tout cela est ce imaginaire, fantaisie. Je ne le pense pas; et puis on se demande, Mon Dieu est ce pour longtemps, est ce pour toujours, est ce pour l’éternité.
Sais-tu, ce qui fait disparaître la prison c’est toute affection profonde, sérieuse. Etre amis, être frères, aimer, cela ouvre la prison par puissance souveraine, par charme très-puissant. Mais celui qui n’a pas cela demeure dans la mort. Mais là où la sympathie renait, renait la vie.
Puis la prison quelque fois s’appelle Préjugé, malentendu, ignorance fatale de ceci ou de cela, méfiance, fausse honte.
Mais pour parler d’autre chose, si moi j’ai baissé, d’un autre côté tu as monté. Et si moi j’ai perdu des sympathies, toi tu en as gagnés. Voilà ce dont je suis content, je le dis en vérité et cela me réjouira toujours. Si tu étais peu sérieux et peu profond je pourrais craindre cela ne durera pas mais puisque je pense que tu es très sérieux et très profond je me sens porté à croire que cela durera.
 2r:8
Seulement s’il te devenait possible de voir en moi autre chose qu’un faitnéant de la mauvaise espèce j’en serais bien aise.
Puis si jamais je pourrais faire quelque chose pour toi, t’être utile en quelque chose, sache que je suis à ta disposition. Si j’ai accepté ce que tu m’as donné, tu pourrais de même, en cas que de manière ou d’autre je pourrais te rendre service, me le demander, j’en serais content et je le considérerais comme une marque de confiance. Nous sommes assez éloigné l’un de l’autre et nous pouvons avoir à certains égards des manières de voir différentes mais néamoins à telle heure un tel jour l’un pourrait rendre service à l’autre. Pour aujourd’hui je te serre la main en te remerciant encore de la bonté que tu as eue pour moi.
Si maintenant plus tôt ou plus tard tu voudrais m’écrire, mon adresse est chez Ch. Decrucq Rue du Pavillon 8 à Cuesmes, près de Mons,31 et saches qu’en écrivant tu me feras du bien.

bien à toi
Vincent

translation
 1r:1
My dear Theo,
It’s with some reluctance that I write to you, not having done so for so long,1 and that for many a reason. Up to a certain point you’ve become a stranger to me, and I too am one to you, perhaps more than you think; perhaps it would be better for us not to go on this way.
It’s possible that I wouldn’t even have written to you now if it weren’t that I’m under the obligation, the necessity, of writing to you. If, I say, you yourself hadn’t imposed that necessity. I learned at Etten2 that you had sent fifty francs for me; well, I accepted them.3 Certainly reluctantly, certainly with a rather melancholy feeling, but I’m in some sort of impasse or mess; what else can one do?
And so it’s to thank you for it that I’m writing to you.
As you may perhaps know, I’m back in the Borinage; my father spoke to me of staying in the vicinity of Etten instead; I said no, and I believe I acted thus for the best. Without wishing to, I’ve more or less become some sort of impossible and suspect character in the family, in any event, somebody who isn’t trusted, so how, then, could I be useful to anybody in any way?
That’s why, first of all, so I’m inclined to believe, it is beneficial and the best and most reasonable position to take, for me to go away and to remain at a proper distance, as if I didn’t exist. What moulting is to birds,4 the time when they change their feathers, that’s adversity or misfortune, hard times,5 for us human beings. One may remain in this period of moulting, one may also come out of it renewed, but it’s not to be done in public, however; it’s scarcely entertaining, it’s not cheerful, so it’s a matter of making oneself scarce. Well, so be it. Now, although it may be a thing of rather demoralizing difficulty to regain the trust of an entire family perhaps not entirely devoid of prejudices and other similarly honourable and fashionablea qualities, nevertheless, I’m not utterly without hope that little by little, slowly and surely, a good understanding may be re-established with this person and that.
In the first place, then, I’d like to see this good understanding, to say no more, re-established between my father and me, and I would also be very keen that it be re-established between the two of us. Good understanding is infinitely better than misunderstanding.
I must now bore you with certain abstract things; however, I’d like you to listen to them patiently.
I, for one, am a man of passions, capable of and liable to do rather foolish things for which I sometimes feel rather sorry. I do often find myself speaking or acting somewhat too quickly when it would be better to wait more patiently. I think that other people may also sometimes do similar foolish things. Now that being so, what’s to be done, must one consider oneself a dangerous man, incapable of anything at all? I don’t think so. But it’s a matter of trying by every means to turn even these passions to good account. For example, to name one passion among others, I have a more or less irresistible passion for books, and I have a need continually to educate myself, to study, if you like, precisely as I need to eat my bread. You’ll be able to understand that yourself. When I was in different surroundings, in surroundings of paintings and works of art, you well know that I then took a violent passion for those surroundings that went as far as enthusiasm.6 And I don’t repent it, and now, far from the country again, I often feel homesick for the country of paintings.  1v:2
You may perhaps clearly remember that I knew very well (and it may well be that I still know) what Rembrandt was or what Millet was, or Jules Dupré or Delacroix or Millais or M. Maris.
Good — now I no longer have those surroundings — however, that something that’s called soul, they claim that it never dies and that it lives for ever and seeks for ever and for ever and for evermore.
So instead of succumbing to homesickness, I said to myself, one’s country or native land is everywhere.7 So instead of giving way to despair, I took the way of active melancholy as long as I had strength for activity, or in other words, I preferred the melancholy that hopes and aspires and searches to the one that despairs, mournful and stagnant. So I studied the books I had to hand rather seriously, such as the Bible and Michelet’s La révolution Française,8 and then last winter, Shakespeare and a little V. Hugo and Dickens and Beecher Stowe, and then recently Aeschylus,9 and then several other less classic authors, several good minor masters. You well know that one who is ranked among the minor (?) masters is called Fabritius or Bida.
Now the man who is absorbed in all that is sometimes shocking,b to others, and without wishing to, offends to a greater or lesser degree against certain forms and customs and social conventions. It’s a pity, though, when people take that in bad part. For example, you well know that I’ve frequently neglected my appearance, I admit it, and I admit that it’s shocking.c But look, money troubles and poverty have something to do with it, and then a profound discouragement also has something to do with it, and then it’s sometimes a good means of ensuring for oneself the solitude needed to be able to go somewhat more deeply into this or that field of study with which one is preoccupied. One very necessary field of study is medicine; there’s hardly a man who doesn’t try to know a little bit about it, who doesn’t try to understand at least what it’s about, and here I still don’t know anything at all about it. But all of that absorbs you, but all of that preoccupies you, but all of that makes you dream, ponder, think.
And now for as much as 5 years, perhaps, I don’t know exactly, I’ve been more or less without a position, wandering hither and thither. Now you say, from such and such a time you’ve been going downhill, you’ve faded away, you’ve done nothing. Is that entirely true?
It’s true that sometimes I’ve earned my crust of bread, sometimes some friend has given me it as a favour; I’ve lived as best I could, better or worse, as things went; it’s true that I’ve lost several people’s trust, it’s true that my financial affairs are in a sorry state, it’s true that the future’s not a little dark, it’s true that I could have done better, it’s true that just in terms of earning my living I’ve lost time, it’s true that my studies themselves are in a rather sorry and disheartening state, and that I lack more, infinitely more than I have. But is that called going downhill, and is that called doing nothing?
Perhaps you’ll say, but why didn’t you continue as people would have wished you to continue, along the university road?
To that I’d say only this, it costs too much and then, that future was no better than the present one, on the road that I’m on.  1v:3 But on the road that I’m on I must continue; if I do nothing, if I don’t study, if I don’t keep on trying, then I’m lost, then woe betide me. That’s how I see this, to keep on, keep on, that’s what’s needed.
But what’s your ultimate goal, you’ll say. That goal will become clearer, will take shape slowly and surely, as the croquis becomes a sketch and the sketch a painting, as one works more seriously, as one digs deeper into the originally vague idea, the first fugitive, passing thought, unless it becomes firm.
You must know that it’s the same with evangelists as with artists. There’s an old, often detestable, tyrannical academic school, the abomination of desolation,10 in fact — men having, so to speak, a suit of armour, a steel breastplate of prejudices and conventions. Those men, when they’re in charge of things, have positions at their disposal, and by a system of circumlocution11 seek to support their protégés, and to exclude the natural man from among them.
Their God is like the God of Shakespeare’s drunkard, Falstaff, ‘the inside of a church’;12 d in truth, certain evangelical (???) gentlemen find themselves, by a strange conjunction (perhaps they themselves, if they were capable of human feeling, would be somewhat surprised) find themselves holding the very same point of view as the drunkard in spiritual matters. But there’s little fear that their blindness will ever turn into clear-sightedness on the subject.13
This state of affairs has its bad side for someone who doesn’t agree with all that, and who protests against it with all his heart and with all his soul and with all the indignation of which he is capable.
Myself, I respect academicians who are not like those academicians, but the respectable ones are more thinly scattered than one would believe at first glance. Now one of the reasons why I’m now without a position, why I’ve been without a position for years, it’s quite simply because I have different ideas from these gentlemen who give positions to individuals who think like them.
It’s not a simple matter of appearance, as people have hypocritically held it against me, it’s something more serious than that, I assure you.
Why am I telling you all this? — not to grumble, not to apologize for things in which I may be more or less wrong, but quite simply to tell you this: on your last visit, last summer,14 when we walked together near the disused mine they call La Sorcière,15 you reminded me that there was a time when we also walked together near the old canal and mill of Rijswijk,16 and then, you said, we were in agreement on many things, but, you added — you’ve really changed since then, you’re not the same any more. Well, that’s not quite how it is; what has changed is that my life was less difficult then and my future less dark, but as far as my inner self, as far as my way of seeing and thinking are concerned, they haven’t changed. But if in fact there were a change, it’s that now I think and I believe and I love more seriously what then, too, I already thought, I believed and I loved.
So it would be a misunderstanding if you were to persist in believing that, for example, I would be less warm now towards Rembrandt or Millet or Delacroix, or whomever or whatever, because it’s the opposite. But you see, there are several things that are to be believed and to be loved; there’s something of Rembrandt in  1r:4 Shakespeare17 and something of Correggio or Sarto in Michelet, and something of Delacroix in V. Hugo, and in Beecher Stowe there’s something of Ary Scheffer. And in Bunyan there’s something of M. Maris or of Millet, a reality more real than reality, so to speak, but you have to know how to read him; then there are extraordinary things in him, and he knows how to say inexpressible things; and then there’s something of Rembrandt in the Gospels or of the Gospels in Rembrandt, as you wish, it comes to more or less the same, provided that one understands it rightly, without trying to twist it in the wrong direction, and if one bears in mind the equivalents of the comparisons, which make no claim to diminish the merits of the original figures.
If now you can forgive a man for going more deeply into paintings, admit also that the love of books is as holy as that of Rembrandt, and I even think that the two complement each other.
I really love the portrait of a man by Fabritius, which one day, also while taking a walk together, we looked at for a long time in the Haarlem museum.18 Good, but I love Dickens’s ‘Richard Cartone’ in his Paris et Londres en 1793 just as much,19 and I could show you other strangely vivid figures in yet other books, with more or less striking resemblance. And I think that Kent, a man in Shakespeare’s King Lear, is just as noble and distinguished a character as any figure of Th. de Keyser, although Kent and King Lear20 are supposed to have lived a long time earlier. To put it no higher, my God, how beautiful that is. Shakespeare — who is as mysterious as he? — his language and his way of doing things are surely the equal of any brush trembling with fever and emotion. But one has to learn to read, as one has to learn to see and learn to live.21
So you mustn’t think that I’m rejecting this or that; in my unbelief I’m a believer, in a way, and though having changed I am the same, and my torment is none other than this, what could I be good for, couldn’t I serve and be useful in some way, how could I come to know more thoroughly, and go more deeply into this subject or that? Do you see, it continually torments me, and then you feel a prisoner in penury, excluded from participating in this work or that, and such and such necessary things are beyond your reach. Because of that, you’re not without melancholy, and you feel emptiness where there could be friendship and high and serious affections, and you feel a terrible discouragement gnawing at your psychic energy itself, and fate seems able to put a barrier against the instincts for affection, or a tide of revulsion that overcomes you. And then you say, How long, O Lord!22 Well, then, what can I say; does what goes on inside show on the outside? Someone has a great fire in his soul and nobody ever comes to warm themselves at it, and passers-by see nothing but a little smoke at the top of the chimney and then go on their way. So now what are we to do, keep this fire alive inside, have salt in ourselves,23 wait patiently, but with how much impatience, await the hour, I say, when whoever wants to, will come and sit down there, will stay there, for all I know? May whoever believes in God await the hour, which will come sooner or later.
Now for the moment all my affairs are going badly, so it would seem, and that has been so for a not so inconsiderable period of time, and it may stay that way for a future of longer or shorter duration, but it may be that after everything has seemed to go wrong, it may then all go better. I’m not counting on it, perhaps it won’t happen, but supposing there were to come some change for the better, I would count that as so much gained; I’d be pleased about it, I’d say, well then, there you are, there was something, after all.  2r:5
But you’ll say, though, you’re an execrable creature since you have impossible ideas on religion and childish scruples of conscience. If I have any that are impossible or childish, may I be freed from them; I’d like nothing better. But here’s where I am on this subject, more or less. You’ll find in Souvestre’s Le philosophe sous les toits how a man of the people, a simple workman, very wretched, if you will, imagined his mother country,24 ‘Perhaps you have never thought about what your mother country is, he continued, putting a hand on my shoulder; it’s everything that surrounds you, everything that raised and nourished you, everything you have loved. This countryside that you see, these houses, these trees, these young girls, laughing as they pass by over there, that’s your mother country! The laws that protect you, the bread that is the reward of your labour, the words that you exchange, the joy and sadness that come to you from the men and the things among which you live, that’s your mother country! The little room where you once used to see your mother, the memories she left you, the earth in which she rests, that’s your mother country! You see it, you breathe it everywhere! Just think, your rights and your duties, your attachments and your needs, your memories and your gratitude, put all that together under a single name, and that name will be your mother country.’

Now likewise, everything in men and in their works that is truly good, and beautiful with an inner moral, spiritual and sublime beauty, I think that that comes from God, and that everything that is bad and wicked in the works of men and in men, that’s not from God, and God doesn’t find it good, either. But without intending it, I’m always inclined to believe that the best way of knowing God is to love a great deal.25 Love that friend, that person, that thing, whatever you like, you’ll be on the right path to knowing more thoroughly, afterwards; that’s what I say to myself. But you must love with a high, serious intimate sympathy, with a will, with intelligence, and you must always seek to know more thoroughly, better, and more. That leads to God, that leads to unshakeable faith.
Someone, to give an example, will love Rembrandt, but seriously, that man will know there is a God, he’ll believe firmly in Him.
Someone will make a deep study of the history of the French Revolution — he will not be an unbeliever, he will see that in great things, too, there is a sovereign power that manifests itself.
Someone will have attended, for a time only, the free course at the great university of poverty, and will have paid attention to the things he sees with his eyes and hears with his ears,26 and will have thought about it; he too, will come to believe, and will perhaps learn more about it than he could say.
Try to understand the last word of what the great artists, the serious masters, say in their masterpieces; there will be God in it. Someone has written or said it in a book, someone in a painting.
And quite simply read the Bible, and the Gospels, because that will give you something to think about, and a great deal to think about and everything to think about, well then, think about this great deal, think about this everything, it raises your thinking above the ordinary level, despite yourself. Since we know how to read, let’s read, then!
Now, afterwards, we may well at times be a little absent-minded,27 a little dreamy; there are those who become a little too absent-minded, a little too dreamy; that happens to me, perhaps, but it’s my own fault. And after all, who knows, wasn’t there some cause; it was for this or that reason that I was absorbed, preoccupied, anxious, but you get over that. The dreamer sometimes falls into a pit, but they say that afterwards he comes up out of it again.  2v:6
And the absent-minded man, at times he too has his presence of mind, as if in compensation. He’s sometimes a character who has his raison d’être for one reason or another which one doesn’t always see right away, or which one forgets through being absent-minded, mostly unintentionally. One who has been rolling along for ages as if tossed on a stormy sea arrives at his destination at last; one who has seemed good for nothing and incapable of filling any position, any role, finds one in the end, and, active and capable of action, shows himself entirely different from what he had seemed at first sight.
I’m writing you somewhat at random whatever comes into my pen; I would be very happy if you could somehow see in me something other than some sort of idler.
Because there are idlers and idlers, who form a contrast.
There’s the one who’s an idler through laziness and weakness of character, through the baseness of his nature; you may, if you think fit, take me for such a one.28 Then there’s the other idler, the idler truly despite himself, who is gnawed inwardly by a great desire for action, who does nothing because he finds it impossible to do anything since he’s imprisoned in something, so to speak, because he doesn’t have what he would need to be productive, because the inevitability of circumstances is reducing him to this point. Such a person doesn’t always know himself what he could do, but he feels by instinct, I’m good for something, even so! I feel I have a raison d’être! I know that I could be a quite different man! For what then could I be of use, for what could I serve! There’s something within me, so what is it! That’s an entirely different idler; you may, if you think fit, take me for such a one.
In the springtime a bird in a cage29 knows very well that there’s something he’d be good for; he feels very clearly that there’s something to be done but he can’t do it; what it is he can’t clearly remember, and he has vague ideas and says to himself, ‘the others are building their nests and making their little ones and raising the brood’, and he bangs his head against the bars of his cage. And then the cage stays there and the bird is mad with suffering. ‘Look, there’s an idler’, says another passing bird — that fellow’s a sort of man of leisure. And yet the prisoner lives and doesn’t die; nothing of what’s going on within shows outside, he’s in good health, he’s rather cheerful in the sunshine. But then comes the season of migration. A bout of melancholy — but, say the children who look after him, he’s got everything that he needs in his cage, after all — but he looks at the sky outside, heavy with storm clouds, and within himself feels a rebellion against fate. I’m in a cage, I’m in a cage, and so I lack for nothing, you fools! Me, I have everything I need!30 Ah, for pity’s sake, freedom, to be a bird like other birds!  2v:7
An idle man like that resembles an idle bird like that.
And it’s often impossible for men to do anything, prisoners in I don’t know what kind of horrible, horrible, very horrible cage. There is also, I know, release, belated release. A reputation ruined rightly or wrongly, poverty, inevitability of circumstances, misfortune; that creates prisoners.
You may not always be able to say what it is that confines, that immures, that seems to bury, and yet you feel I know not what bars, I know not what gates — walls.
Is all that imaginary, a fantasy? I don’t think so; and then you ask yourself, Dear God, is this for long, is this for ever, is this for eternity?
You know, what makes the prison disappear is every deep, serious attachment. To be friends, to be brothers, to love; that opens the prison through sovereign power, through a most powerful spell. But he who doesn’t have that remains in death. But where sympathy springs up again, life springs up again.
And the prison is sometimes called Prejudice, misunderstanding, fatal ignorance of this or that, mistrust, false shame.
But to speak of something else, if I’ve come down in the world, you, on the other hand, have gone up. And while I may have lost friendships, you have won them. That’s what I’m happy about, I say it in truth, and that will always make me glad. If you were not very serious and not very profound, I might fear that it won’t last, but since I think you are very serious and very profound, I’m inclined to believe that it will last.  2r:8
But if it became possible for you to see in me something other than an idler of the bad kind, I would be very pleased about that.
And if I could ever do something for you, be useful to you in some way, know that I am at your service. Since I’ve accepted what you gave me, you could equally ask me for something if I could be of service to you in some way or another; it would make me happy and I would consider it a sign of trust. We’re quite distant from one another, and in certain respects we may have different ways of seeing, but nevertheless, sometime or some day one of us might be able to be of use to the other. For today, I shake your hand, thanking you again for the kindness you’ve shown me.
Now if you’d like to write to me one of these days, my address is care of C. Decrucq, rue du Pavillon 8, Cuesmes, near Mons,31 and know that by writing you’ll do me good.

Yours truly,
Vincent
notes
1. The last surviving letter dates from between about 11 and 14 August 1879 (letter 154). There is now a gap of one whole year in the correspondence, also in that of the family as a whole. Tension, conflicts and disagreements about Vincent’s future led to ill will and seem to have been the cause of letters being withheld from publication or destroyed. One gathers from remarks made by Vincent later on that in 1880 his father had planned to have him committed to a lunatic asylum in Geel (Belgium); the earliest mention of this occurs in letter 185. Cf. Hulsker 1990-2 and Jansen et al. 2003-2. The tone of the letter suggests that Vincent felt compelled to respond to Theo’s reproaches.
Mr van Gogh’s letter to Theo of 5 July contains his reaction to the mention of Vincent’s letter: ‘That letter from Vincent really gives me pleasure, but oh, what will become of him, and is it not ridiculous to choose a life of poverty and to let an opportunity slip by, without seeking a means of earning a living? That really is absurd, but we have to resign ourselves to the fact. Nothing of all that we have tried has had any effect. Do write back to him. At the end of June I sent him 60 francs, upon which he sent a reply. Later on we sent him a box of clothes. It always pains us to think of him. And we think of him constantly’ (FR b2494). Part of the letter has been cut out (probably a postscript). Mrs van Gogh wrote the same day: ‘Have you sent him an answer, if not, be sure and do it. We were so glad he thought of you again and found it so sad when he didn’t want to see anyone here’ (FR b2495). This also reveals that Vincent had not written to Theo for a long time.
2. In March 1880, Van Gogh had been to stay with his parents in Etten, as emerges from a letter Mr van Gogh wrote to Theo on 11 March: ‘Vincent is still here. But oh, it is a struggle and nothing else. Now he’s talking about going to London and speaking to Rev. Jones. If he persists in this, I’ll make it possible for him. But it’s hopeless! ... Oh, Theo, if only some light would shine on that distressing darkness of Vincent’ (FR b2496). Hulsker links this remark to the next sentence in the present letter – ‘As you may perhaps know, I am back in the Borinage, my father spoke to me about staying instead in the vicinity of Etten, but I said no’ (ll. 14-16) – and assumes both that Vincent’s stay in Etten lasted until shortly before this letter was written and that Vincent spent all that time in Brabant. (Note sent by J. Hulsker to the museum, dated May 1995). However, Vincent must have left quite a while before 25 June, for Mrs van Gogh said on 5 July: ‘We’ve heard nothing for a long time and shall write again soon’ (FR b2495).
3. This is the first time in the correspondence that mention is made of Theo’s financial contribution to Vincent’s upkeep; it was only later that Theo began to provide Vincent with regular financial assistance. Cf. also letter 163, n. 4. Van Gogh also received financial support now and then from his parents; at the end of June they sent him 60 francs (FR b2494).
4. The metaphor of the moulting bird occurs in Hippolyte Taine, History of English literature (1863), in his discussion of the ideas of Thomas Carlyle. See Pollock and Orton 1978, p. 8. In this context, see also letter 325, in which Van Gogh speaks – after reading Carlyle’s Sartor resartus (1837) – of ‘old clothes’ that are cast off.
5. It is possible that ‘Les temps difficiles’ is an allusion to the translation of Charles Dickens’s Hard times. Van Gogh had, after all, advised his brother in letter 153 to read this ‘masterly’ French translation.
a. Written in English.
6. Reference to the years 1869-1876, when Van Gogh worked for the art dealership of Goupil & Cie.
7. Van Gogh no doubt came across this saying in the passage from Souvestre, which he quotes later on in this letter (see n. 24 below). Cf. Seneca, De consolatione ad Helviam 9, 7: ‘Omnem locum sapienti viro patriam esse’.
8. Jules Michelet, L’histoire de la Révolution française. 7 vols. Paris 1847-1853.
9. As emerges from letter 358, Van Gogh derived his knowledge of Aeschylus from Victor Hugo, William Shakespeare. Paris 1864. Other places in this passage also betray the fact that he had read Hugo’s book with profound interest. The term ‘shocking’ (l. 76 and l. 80), for example, could have been taken from this book (pp. 274, 484). The list of analogies – ‘There is something of... in...’ (ll. 159-161) – has a syntactic parallel in Hugo: ‘Il y a du Voltaire dans Socrate’ (There is something of Voltaire in Socrates) (p. 206). In chapter 2 (on geniuses), Hugo continually makes connections between luminaries in the arts, something that Van Gogh does as well. The underlying thought is that, in reflections on art, opposites can provide mutual enrichment. Regarding the influence of Hugo’s William Shakespeare on Van Gogh, Dorn stated: ‘There is hardly a book in Van Gogh’s correspondence that has left a clearer or more profound mark – probably on his thinking as well.’ See exhib. cat. Vienna 1996, pp. 32-33 (quotation on p. 32).
Van Gogh had sent his parents one of Hugo’s books in an attempt to make them understand his ideas. Mrs van Gogh, however, found the work of the Frenchman ethically reprehensible and wrote on 5 July to Theo: ‘We think it’s true, what you write about Vincent, but if reading books yields such impractical results, is it good? And what kind of ideas does his reading give him? He sent us one by Victor Hugo, but he takes the side of criminals and calls no evil by its real name. What would the world be like if one were to call evil good? Even with the best will in the world, that is not possible’ (FR b2495). Vincent perhaps sent Le dernier jour d’un condamné, which he mentions in letter 158. Hulsker assumes that it was Les misérables (Hulsker 1990-1, p. 185).
b. Written in English.
c. Written in English.
10. Matt. 24:15 and Mark 13:14, cf. Dan. 11:31.
11. An allusion to the Circumlocution Office that occurs in Charles Dickens’s Little Dorrit: See letter 306, n. 2. In August 1879, Mrs van Gogh had remarked that Vincent spent whole days reading Dickens (FR b2492).
12. In William Shakespeare, King Henry iv, act 3, scene 3, Sir John Falstaff, a gluttonous and pusillanimous drunkard, screams: ‘And I have not forgotten what the inside of a church is made of, I am a peppercorn, a brewer’s horse: the inside of a church! Company, villainous company, hath been the spoil of me.’ The first part of King Henry iv. Ed. A.R. Humphreys. 6th ed. London 1960, pp. 109-110.
d. Van Gogh wrote this in both French and English.
13. Van Gogh later added the sentence ‘But... subject’.
14. For this visit in August 1879, see letter 154. It took place in Mons, where Theo stopped on his way to Paris to spend several hours with Vincent.
15. This is the mine ‘Petite Sorcière’ or ‘Turlupu’ in Jemappes, a few kilometres to the west of Mons. This mine was not worked on a permanent basis. See Statistique des houillères en France et en Belgique publiée sous la direction d’Emile Delecroix. Mons 1891, p. 301.
16. Vincent often talks about their walk to the mill at Rijswijk; it is first mentioned in letter 11.
17. Similarities between the work of Rembrandt and Shakespeare, both of whom portrayed subjects ranging in nature from sublime loftiness to moral depravity, were also described by Hippolyte Taine in Philosophie de l’art, iii, iv. 2 vols. 6th ed. Paris 1918, pp. 77-78.
18. Van Gogh mentions a portrait (of a man) by Carel Fabritius five times, three times explicitly as the Self-portrait, c. 1648-1650 (Rotterdam, Museum Boijmans Van Beuningen). Ill. 1885 . See letters 175, 536 and 798. This painting had already been enthusiastically described by the French art critic E.J.T. Thoré (writing under the pseudonym W. Bürger) in Musées de la Hollande. See Thoré 1858-1860, vol. 2, pp. 166 ff. and exhib. cat. The Hague 2004, pp. 111-115, cat. no. 7.
Van Gogh names the Haarlem Museum as the place where he saw this portrait, though before 1880 it had no Fabritius (not even on loan), and the portrait in Museum Boijmans Van Beuningen – still housed at the time in the Schielandshuis – was, as far as we know, never lent to another museum. This could mean that Vincent and Theo had once gone to Rotterdam, or else that they saw, in Haarlem, another portrait that is no longer attributed to Fabritius.
19. Charles Dickens, A tale of two cities, translated by Mme Loreau as Paris & Londres en 1793 (Paris 1861), appeared in the series ‘Bibliothèque des meilleurs Romans étrangers’ (the same series Van Gogh mentions in letter 154) as part of the Oeuvres de Charles Dickens. It had been reprinted at least seven times by 1880.
Here Van Gogh confuses two names: Richard Carstone appears in Bleak house; the protagonist of A tale of two cities is Sydney Carton.
20. Van Gogh considers the character Kent in Shakespeare’s King Lear (1606-1607) to be just as noble as ‘any figure of Th. de Keyser’. King Lear wants to disinherit his daughter Cordelia. When the Earl of Kent, an honest nobleman, tries to prevent this, he is sentenced to banishment. Though he risks being put to death if he stays in England, Kent is determined to serve his king loyally. He therefore disguises himself so that he can remain a devoted subject and stand by his sovereign.
Apparently Theo knew which portrait by Thomas de Keyser Vincent was referring to. Perhaps it was his Portrait of a scholar, which they might have seen together at the Mauritshuis in The Hague. Ill. 1886 . It was also reproduced in Kunstkronijk 13 (1872), NS, between pp. 14-15.
21. Van Gogh later added the sentence ‘But... live’.
22. Isa. 6:11.
23. Mark 9:50.
24. Emile Souvestre, Un philosophe sous les toits. Journal d’un homme heureux. Paris 1867. The quotation was taken from chapter 10, ‘La patrie’, p. 190. There are several small differences between Vincent’s transcription and the source text.
25. Cf. 1 John 5:1-2.
26. Cf. Matt. 13:16.
27. Van Gogh uses the word ‘abstrait’ consistently to mean ‘absent’, ‘brooding’, etc.
28. Van Gogh later added the phrase ‘you may... such a one’, evidently after he had written almost exactly the same thing in ll. 296-297, which served to make the phrase even more convincing when repeated.
29. Van Gogh’s ideas about the caged bird could have been inspired by Michelet’s L’oiseau. Cf. Hammacher 1975, esp. pp. 7-8.
e. Read: ‘en prennent soin’.
30. Van Gogh’s assertion that he has everything he needs is clearly meant to be sarcastic.
31. Van Gogh rented a room (‘atelier’) at rue du Pavillon 3 in Cuesmes from the mine-worker Charles Louis Decrucq, who was married to Jeanne Heeren (he gives the correct house number in letters 156 and 157). The Decrucq family thus lived next door to the evangelist Francq (AEM 1876-1890, fol. 499). A drawing of the house appears in Eeckaut 1990, ‘Annexes’, p. 24; cf. Mahieu 1990, p. 39, and Georges Duez, Vincent van Gogh au Borinage. ‘A la recherche du soleil et de soi-même’. Mons 1986, p. 40.