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Soirée d’hiver

Au coucher du soleil toute la forêt semble
Dans le recueillement, touffes de chênes roux
Petits génévriers, maigres buissons de houx
N’ont pas dans la lumière une feuille qui tremble.–

On n’entend qu’un oiseau, travailleur attardé
Dans le canton lointain des chataigniers antiques
On écoute à travers les grands bois pacifiques
Le pivert dont le bec fait un bruit saccadé.–

Etrange oiseau connu de cet homme qui passe
Dans la lueur tranquille et pure du couchant
Ce n’est pas un vieillard qui se traîne en marchant
Dont l’échine se courbe et dont la jambe est lasse.–

C’est un rude piéton sortant de la forêt
Tout chargé de bois mort – Son pas ferme s’allonge
Il a vu le soleil comme une grosse orange
Qui là-bas, s’enfouit dans l’herbe et disparaît.–

Il marche allégrement, le fond du coeur rumine
Quelque chose d’heureux – dans le ciel clair et froid
Monte un fil de fumée, un long fil tout droit.–
Son vieux masque rugueux et tanné s’illumine.–

Dans ce pli du terrain où finit l’horizon
Il n’arrivera pas avant la nuit peutêtre
Mais il a sur l’épaule un riche feu de hêtre
Pour égayer les coins de toute la maison.–

Là sous un toit moussu, fenêtre et porte close
A l’heure du berceau, les enfants réjouis
Ouvriront de grands yeux par la flamme éblouis
Quand il déchaussera leurs petits pieds roses.–

A. Lemoyne1

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